Acadie Nouvelle

Le cybercrime menace aussi l’industrie lourde

Si des vols de données contre des entreprise­s comme Uber ou Equifax peuvent coûter plusieurs milliers de dollars à des consommate­urs, les entreprise­s du secteur des ressources naturelles s'inquiètent de perdre des millions de dollars ou même des employés

- Dan Healing

Quel est le cauchemar des responsabl­es des réseaux informatiq­ues et de la sécurité des entreprise­s oeuvrant dans le secteur des ressources naturelles? Perdre le contrôle de pièces d’équipement pesant des tonnes ou voir une machine cesser de fonctionne­r à un moment critique.

Les cybercrimi­nels font le pari que les entreprise­s qui perdent le contrôle de leur équipement sont prêtes à payer très cher pour éviter de se retrouver dans pareille situation.

«Ce ne sont plus des enfants boutonneux vivant dans le sous-sol de papa et maman, c’est le crime organisé», rappelle Daniel Tobok, le président et chef de la direction de Cytelligen­ce, une entreprise qui dit enquêter mensuellem­ent sur une quarantain­e d’attaques informatiq­ues contre des sociétés canadienne­s. Dans un grand nombre de cas, ces attaques sont d’origines étrangères.

«C’est le vol de la propriété intellectu­elle, c’est l’espionnage, mais à la fin, la seule motivation demeure l’argent», ajoute-t-il.

Selon lui, ces attaques rapportent annuelleme­nt aux criminels entre 3 milliards $ et 5 milliards $. Il raconte qu’une entreprise de Calgary a dû verser une rançon de 200 000$ afin de reprendre le contrôle de ses systèmes de production numériques corrompus.

L’essor de l’internet des objets – un système permettant aux machines de communique­r de façon autonome entre elles – permet aux entreprise­s d’employer des systèmes automatiqu­es et des manettes pour manoeuvrer bulldozers, excavatric­es, camions lourds et contrôler de l’équipement de forage et de transforma­tion. Cela permet bien sûr aux entreprise­s d’économiser sur la main d’oeuvre, mais elles deviennent plus vulnérable­s aux pirates informatiq­ues. «Cela pourrait coûter des vies», soutient M. Tobok. Selon un récent rapport de la firme-comptable EY, les menaces à la cybersécur­ité ont grimpé en 2017 du huitième au troisième rang du classement des pires dangers préoccupan­t les sociétés minières.

Les cadres supérieurs concèdent que le danger est réel, mais ils insistent pour dire qu’ils peuvent garder les pirates à distance grâce à de nombreux systèmes de fermeture, automatisé­s et manuels, à des pare-feu, à des connexions internet strictemen­t limitées et à des employés mieux entraînés.

Selon Kevin Neveu, chef de la direction de Precision Drilling Corp., une entreprise canadienne également présente aux États-Unis, sa société n’a jamais été victime d’une «intrusion» réussie, même si elle a détecté diverses tentatives infructueu­ses sur une base quasi journalièr­e.

«Qu’on puisse réussir à s’infiltrer numériquem­ent dans une installati­on de forage nous préoccupe beaucoup», a-til dit. Vingt de nos installati­ons fonctionne­nt avec des systèmes d’automate qui contrôle tout par des logiciels. Ce sont ces systèmes qui disent aux machines de se lever ou de s’abaisser, qui leur disent si d’augmenter ou de baisser la pression. Ce logiciel peut faire l’objet d’une attaque informatiq­ue.»

Steve Laut, chef de la direction de Canadian Natural Resources Ltd., ne veut pas dévoiler la stratégie de son entreprise en matière de cybersécur­ité. Il se contente de dire que leur système compte quatre ou cinq niveaux de sécurité et que les principale­s installati­ons ne sont pas connectées à l’internet.

«À l’instar des autres sociétés de notre domaine, nous nous faisons constammen­t attaquer, dit-il. La majorité d’entre elles sont repoussées par nos pare-feux.

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Precision Drilling compte des tentatives infructueu­ses d’infiltrati­on sur une base quasi journalièr­e. – Archives

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