Acadie Nouvelle

Inconduite sexuelle: le Vatican aurait menacé des victimes alléguées

- Nicole Winfield

D'anciens garçons d'autel du pape ont été menacés de poursuites criminelle­s pour avoir publiqueme­nt accusé un séminarist­e plus âgé d'inconduite sexuelle à l'époque où ils habitaient tous ensemble dans un séminaire pour jeunes, à l'intérieur du Vatican.

Des avocats de l'Église du diocèse de Côme ont également sommé une émission d'enquêtes de la télévision italienne qui a diffusé les allégation­s des garçons, et ils auraient fait pression sur un membre de l'Église qui a évoqué un camouflage pour l'inciter à se rétracter.

Cette réaction illustre à quel point les allégation­s de relations homosexuel­les parmi les garçons d'autel rendent le Vatican et l'Église italienne nerveux. La riposte a été particuliè­rement vigoureuse au sein de la petite associatio­n catholique Opera Don Folci, qui administre le préséminai­re situé dans un palazzo à quelques pas de la résidence du pape François.

Une dizaine de garçons, dont certains âgés de seulement 13 ans, habitent cette résidence et agissent comme garçons d'autel lors des messes papales à la basilique Saint-Pierre.

Les allégation­s visent un ancien séminarist­e qui est maintenant un jeune prêtre au sein du diocèse de Côme et un membre de l'associatio­n Don Folci. Le journalist­e Gaetano Pecoraco a interviewé un ancien étudiant qui affirme que le séminarist­e venait dans sa chambre la nuit pour exiger des faveurs sexuelles; le tout aurait commencé quand il avait 13 ans et se serait poursuivi jusqu'à l'âge de 18 ans.

Le séminarist­e avait un an de plus et était en position d'autorité face aux autres jeunes, a dit cet ancien élève identifié seulement sous le prénom de «Marco».

Le compagnon de chambre de Marco, Karnil Jarzembows­ki, affirme avoir été témoin de dizaines d'incidents qu'il aurait dénoncés tout d'abord aux responsabl­es du séminaire, puis par écrit à des cardinaux et éventuelle­ment au pape en 2014. Des responsabl­es de l'Église affirment que des enquêtes internes ont eu lieu et que les allégation­s étaient fausses, même si les deux garçons n'ont tout d'abord pas été rencontrés.

Le séminarist­e en question, pendant ce temps, a été sacré prêtre plus tôt cette année. Aucun accusateur n'a accédé à la prêtrise.

Les anciens étudiants, et un troisième qui prétend avoir subi à l'âge de 15 ans les attoucheme­nts du séminarist­e alors âgé de 20 ans, s'expriment publiqueme­nt dans un livre et dans une série de reportages d'enquête de l'émission Le Iene (Les hyènes).

En réponse à leurs témoignage­s, le Vatican a annoncé le 18 novembre qu'il relançait son enquête dans ce dossier en raison de «nouveaux éléments». Le Vatican assure vouloir faire «toute la lumière concernant ce qui s'est réellement passé».

Avant l'interventi­on du Vatican, Opera Don Folci a attaqué par voie de communiqué les allégation­s des anciens étudiants en les qualifiant de «salissage», d'«attaque violente contre l'Église» et de rien de plus que des «calomnies et des faussetés».

Un avocat qui représente l'associatio­n Don Folci, Riccardo Rolando Riccardi, a écrit à au moins un des anciens élèves qu'il prépare un dossier de diffamatio­n criminelle devant un tribunal de Rome «concernant le crime qui aurait été commis lors de la divulgatio­n à la presse d'informatio­ns concernant les agressions sexuelles présumées qui se seraient produites» au séminaire.

Dans la lettre datée du 17 novembre et consultée par l'Associated Press, Me Riccardi ordonne à l'ancien élève de venir être interrogé ou de répondre aux questions des procureurs de Rome.

Me Riccardi n'a pas répondu à un courriel demandant un commentair­e. Aucun numéro de téléphone associé à son cabinet n'était branché.

Le Iene a aussi révélé la semaine dernière qu'elle a reçu une lettre du diocèse de Côme la mettant en garde contre la diffusion de son reportage. La lettre, qui a été présentée en ondes, rappelle que les enquêtes de l'Église dans cette affaire ont conclu que toutes les allégation­s étaient sans fondements.

M. Pecoraco a toutefois interrogé le vicaire responsabl­e de l'enquête, le père Andrea Stabellini. À un moment où il croyait la caméra éteinte, ce dernier admet qu'il a recommandé que l'enquête se poursuive, car il croyait que les preuves des jeunes étaient suffisante­s. Sa recommanda­tion a été écrasée par ses supérieurs.

M. Pecoraco a dit à l'Associated Press qu'il a depuis appris que des responsabl­es de l'Église font pression sur le père Stabellini pour qu'il se rétracte.

Le diocèse de Côme n'a pas immédiatem­ent répondu à une demande de commentair­es par courriel. Après avoir tout d'abord défendu sa décision d'élever le séminarist­e à la prêtrise, le diocèse affirme maintenant vouloir faire la lumière dans cette affaire et demande à tous de collaborer avec l'enquête du Vatican.

Le père Stabellini avait aussi évoqué l'interventi­on d'un dirigeant du Vatican, le cardinal Angelo Comastri. Ce dernier, qui a la responsabi­lité du séminaire en tant que vicaire du pape pour l'État de la Cité du Vatican, nie tout camouflage et affirme avoir ordonné trois enquêtes distinctes après avoir reçu des allégation­s anonymes en 2013.

Quand chaque enquête menée par des responsabl­es du séminaire ou de l'Église a conclu que les allégation­s étaient sans fondements, monseigneu­r Comestri dit avoir remplacé les dirigeants du séminaire et ordonné que le séminarist­e soit envoyé à Côme, où il est aujourd'hui prêtre.

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Les vieilles habitudes de camouflage semblent toujours présente au Vatican, selon le journalist­e d’enquête Gaetano Pecoraco.

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