LE SOCIOFINANCEMENT S’IMPOSE
Le sociofinancement s’impose de plus en plus dans les milieux entrepreneurial et artistique au Nouveau-Brunswick. Capital de démarrage, publicité, rétroaction des clients; bon nombre de créateurs y trouvent leur compte.
Après des mois de travail, de rencontres, de tests et de préparatifs, Marcel LeBlanc et ses partenaires, Derek Martin et Mario Leblanc, étaient enfin prêts à plonger.
Le 15 novembre en soirée, ces jeunes entrepreneurs derrière le «Tuxy» – qu’ils présentent comme la grenouillère (onesie en anglais) la plus confortable au monde – ont lancé leur campagne de sociofinancement sur la plateforme en ligne Kickstarter.
Vingt-quatre heures plus tard, ils avaient déjà atteint leur objectif de 15 000$. Depuis, ils ont convaincu plus de 300 contributeurs de leur verser plus 42 000$ en échange de «Tuxy» à rabais et de vêtements promotionnels.
«Ça a été plus vite qu’on pensait. Mais ça fait longtemps qu’on met beaucoup de travail», explique Marcel LeBlanc en entrevue avec l’Acadie Nouvelle.
Selon lui, cette campagne a permis d’accomplir plusieurs choses. Évidemment, les dizaines de milliers de dollars récoltés permettent de réduire le risque financier encouru par les cofondateurs de l’entreprise. Mais ce n’est pas tout.
«Du côté de la validation, c’était énorme. Pour nous, la grande question était “est-ce que les gens vont être prêts à mettre leur carte de crédit et payer cent quelques dollars pour avoir ce produit-ci après avoir seulement vu une photo et une vidéo?”»
Si l’aventure Kickstarter n’avait pas été concluante et que les consommateurs n’avaient pas été au rendez-vous, ils seraient alors retournés à la table à dessin afin de trouver une nouvelle approche, ditil.
LES INVESTISSEURS
Le sociofinancement permet aussi d’éviter de perdre le contrôle d’un projet dès son début.
«Si notre première commande nous avait coûté beaucoup plus cher que ce que l’on était prêts à mettre, on aurait dû aller chercher des investisseurs. Et là, les investisseurs obtiennent du contrôle», note Marcel LeBlanc.
Il ne nie pas que l’aide d’investisseurs est nécessaire au démarrage de bon nombre d’entreprises. Mais selon lui, cette approche peut rendre difficile le passage à la vitesse supérieure dans certains cas.
Par exemple, si un projet connaît une croissance fulgurante et que les gens qui le pilotent se retrouvent devant des investisseurs majeurs, notamment en participant à l’émission télévisée Dragons’ Den (ou son pendant francophone Dans l’oeil du dragon), ils ont intérêt à ne pas avoir déjà vendu une bonne partie de leurs parts à de nombreux partenaires.
«Si tu te rends là, la première question qu’ils vont te poser, c’est «tu as combien de partenaires?” Si l’on a des investisseurs, qu’on a ramassé 20 000$ ici et 20 000$ là, que l’on est déjà rendus à 10 partenaires, ils (les investisseurs majeurs) ne seront plus intéressés.»
En effectuant la prévente de leurs «Tuxy» à des consommateurs grâce à leur campagne Kickstarter, Marcel LeBlanc et ses comparses réussissent en quelque sorte à garder le beurre et l’argent du beurre.
«C’est autant un coup de marketing qu’un coup de financement.»
Il n’y a pas que les toutes nouvelles entreprises qui se tournent vers le sociofinancement. Certains gens d’affaires qui sont déjà sur leur erre d’aller s’en servent aussi pour diversifier leurs activités.
C’est ce qu’a fait Fredéric Laforge, de Moncton, du marché des fermiers mobile Farmers’ Truck. Cet automne, il a lancé une campagne sur la plateforme Indiegogo afin de financer le lancement d’un service de vente en ligne avec livraison à domicile.
Le jeu en a valu la chandelle. Son objectif était d’aller chercher 5000$. Il a réussi à récolter 6450$ de la part de 44 donateurs en échange d’abonnements de durées diverses.
Fredéric Laforge trouve cette avenue intéressante pour quelques raisons.
«Tu partages ça, la communauté commence à la partager. La force de la communauté internet se met ensemble pour appuyer des projets qui seraient bien souvent boudés par les banques.»
Dans le cas de sa campagne Indiegogo, la somme collectée n’est pas faramineuse. Mais le Farmers’ Truck y a gagné bien plus que de l’argent, dit-il.
«C’est autant un coup de marketing qu’un coup de financement. C’est la même chose avec Dragons’ Den. Tu ne vas pas nécessairement là pour du financement. Tu vas là pour que ton produit soit à la télévision. C’est un peu le même concept.»