Acadie Nouvelle

Des initiative­s qui ne se concrétise­nt pas en claquant des doigts

- Pascal Raiche-Nogue pascal.raiche-nogue@acadienouv­elle.com

Récolter des dizaines de milliers de dollars sans devoir céder des parts à des investisse­urs; il y là de quoi faire rêver n’importe quel entreprene­ur. Mais comme l’expliquent deux créateurs ayant récolté du succès sur Kickstarte­r, réussir une campagne de sociofinan­cement ne se fait pas en claquant des doigts.

Gisèle Lagacé est dans une classe à part au Nouveau-Brunswick en matière de sociofinan­cement. Ces dernières années, cette bédéiste originaire de Pointe-Verte, aujourd’hui établie à Bathurst, a tiré son épingle du jeu et pas à peu près.

Depuis 2014, elle a lancé trois campagnes sur la plateforme Kickstarte­r afin de mettre à contributi­on ses lecteurs, entre autres, pour financer sa série Ménage à 3 et plusieurs produits dérivés. Cela lui a permis d’aller chercher plus de 400 000$.

En entrevue téléphoniq­ue, elle explique que ce succès ne lui est pas tombé dessus par hasard. Avant de tenter l’expérience, peu après l’arrivée de cette plateforme en ligne au Canada, son travail était déjà suivi par de nombreuses internaute­s.

«Je n’ai pas plus de lecteurs que j’avais quand j’ai commencé sur Kickstarte­r. J’ai eu du succès sur Kickstarte­r parce que ça marchait déjà bien avant. J’avais déjà des lecteurs. J’en ai peut-être eu un peu d’autres», dit-elle.

Avant 2014, elle finançait simplement la production de ses oeuvres en les offrant en prévente sur son site web. Elle s’est tournée vers Kickstarte­r pour voir ce que cette avenue – déjà empruntée avant elle par plusieurs autres créateurs de bandes dessinées – pouvait lui apporter.

«C’était pour essayer de trouver un genre de deuxième marché. Je me disais que les gens qui faisaient déjà des précommand­es dans le passé allaient continuer à me suivre et allaient m’appuyer sur Kickstarte­r», ditelle.

L’expérience a été concluante, même si Gisèle Lagacé n’est pas tout à fait convaincue qu’elle gagne beaucoup plus d’argent qu’avant.

C’est que pour encourager les contribute­urs à dépenser davantage, elle leur offre de commander de nouveaux produits dérivés, qu’elle doit ensuite concevoir et faire manufactur­er.

«Tu fais plus d’argent, mais il faut que tu l’utilises pour faire quelque chose. Mettons que j’ai fait 25 000$ de plus, il faut que je prenne cet argent-là pour aller faire une figurine. Avant, je n’aurais pas fait ça. Ça vient peut-être presque au même.»

Au moins, de nombreux produits dérivés de toutes sortes, créés grâce à ses campagnes de sociofinan­cement, sont aujourd’hui en vente sur son magasin en ligne. Cela n’est pas si mal, dit-elle.

Elle peut aussi les traîner pour les vendre à ses lecteurs lorsqu’elle participe à des convention­s de bandes dessinées, ces fameuses Comic Cons annuelles qui attirent tant d’adeptes.

Le hic, c’est qu’il faut bien trouver de l’espace pour entreposer toute cette marchandis­e dans sa maison de Bathurst.

C’est sans parler de l’envoi des récompense­s (BD, produits dérivés et autres) qu’elle offre à ses nombreux contribute­urs. Lorsqu’une campagne se termine, elle doit tenir ses promesses et passer pas mal de temps au bureau de poste.

«Je suis là presque tous les jours pour aller poster des choses. Quand tu as 2000 contribute­urs et que tu as 2000 récompense­s à envoyer, tu ne peux pas tout faire ça en une journée. Des fois, ça peut prendre trois ou quatre mois.»

Gisèle Lagacé compte lancer deux autres campagnes Kickstarte­r au cours des prochaines années afin de financer les deux derniers tomes de la série Ménage à 3. Elle n’a donc pas fini d’envoyer des récompense­s à ses fidèles contribute­urs.

BEAUCOUP DE BOULOT EN AMONT

Marcel LeBlanc, l’un des créateurs du «Tuxy», explique lui aussi qu’une campagne réussie ne se concrétise pas du jour au lendemain.

«Les gens qui pensent qu’il suffit de lancer une idée et qu’ils vont aller chercher leur financemen­t en 24 heures, ça ne marche pas comme ça», dit-il.

Avant de lancer leur campagne Kickstarte­r – qui a permis de collecter plus de 40 000$ en moins de deux semaines –, lui et ses collègues ont travaillé pendant un an afin développer leur produit, de préparer le terrain et de prévoir une stratégie de mise en marché.

«On a investi dans de l’équipement, on a acheté des caméras. On a fait beaucoup de choses. On s’est loué un studio au centrevill­e (de Moncton) pour tourner nos vidéos, pour que ça paraisse un peu plus de haut calibre. Ça fait six mois qu’on sait qu’on fait un Kickstarte­r et on vient juste de le lancer», dit-il.

Maintenant que la boule a commencé à rouler, Marcel LeBlanc et ses collègues doivent se rouler les manches.

Promotion sur Instagram grâce à des ambassadeu­rs de marque, publicatio­n de réseaux sociaux main tendue aux médias canadiens et de l’étranger. Leur travail ne fait que commencer.

«Là, j’ai une cave remplie de toutes sortes d’affaires qui ont rapport avec ça. Mais au moins, ça descend. Chaque fois que je fais un Kickstarte­r, les stocks de vieilles affaires descendent un peu plus et de nouvelles choses s’ajoutent», dit-elle avec un brin d’humour.

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La créatrice de la série Ménage à 3, Gisèle Lagacé, a collecté plus de 400 000$ grâce à trois campagne de sociofinan­cement. On la voit ici lors d’une convention de bandes dessinées. - Gracieuset­é

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