Bye bye LCF
La saison de la Ligue canadienne de football a pris fin en beauté, dimanche soir dans la neige, avec une victoire dramatique des Argonauts de Toronto. La Ville de Moncton aussi est engagée dans une partie avec la LCF. Mais dans son cas, il n’y aura pas de revirement de dernière minute.
La Ligue canadienne de football rêve depuis longtemps d’expansion. La plupart des villes d’importance au pays possèdent déjà une concession, si bien que ses perspectives de croissance sont très limitées. De 1993 à 1995, la LCF a même tenté d’étendre ses opérations aux États-Unis, en installant des équipes dans sept marchés américains. L’expérience a été un échec.
La ligue est surtout populaire dans l’Ouest canadien, où elle compte cinq organisations qui accueillent bon an mal an les meilleures foules. Elle n’en compte que quatre dans l’est du pays (Toronto, Hamilton, Ottawa et Montréal) et voudrait, dans un monde idéal, en compter une cinquième. La ville de Québec, qui carbure au Rouge et Or (une équipe de football universitaire), fait saliver les dirigeants du circuit depuis longtemps, mais ce n’est pas réciproque.
La construction du Stade de Moncton en 2010 a quelque peu changé la donne. Pour la première fois, les Maritimes comptaient une infrastructure en mesure d’accueillir des parties de la LCF. De 2010 à 2013, trois parties de saison régulière ont été organisées dans cette enceinte, sous le nom de Touché Atlantique.
Les billets se sont envolés comme des petits pains chauds pour les deux premières parties. On ne peut pas en dire autant pour la troisième, qui ne s’est pas jouée à guichets fermés. L’histoire d’amour s’est dissipée en même temps que l’effet nouveauté.
Le commissaire de l’époque, Mark Cohon, avait déclaré que si Moncton voulait accueillir de façon permanente une équipe de la LCF, elle devrait d’abord investir la somme extravagante de 100 millions $ dans l’agrandissement et la rénovation de son stade. Lequel, rappelons-le, a été construit il y a moins d’une décennie.
Ajoutez à cela l’absence d’un richissime entrepreneur prêt à acheter une concession et le rêve d’une équipe de football professionnelle basée à Moncton apparaît bien lointain.
Et c’est tant pis. Investir 100 millions $ en fonds publics pour agrandir un stade déjà existant dans l’unique but d’accueillir annuellement neuf parties de football canadien serait de la pure folie.
C’est une chose d’investir le même montant dans un amphithéâtre qui contribuera à revitaliser le centre-ville et qui en remplace un autre vieillissant et mal situé. Mais injecter cette même somme dans un stade qui sert surtout à l’équipe d’Athlétisme Sud-Est, aux équipes de soccer de l’Université de Moncton et à quelques marcheurs n’a aucun sens. Il y a des milliers de façons pour l’U de M, la Ville et le gouvernement provincial de mieux investir notre argent.
Notons aussi que l’intérêt de la LCF pour Moncton est plutôt tiède.
Des rumeurs avaient circulé que les TigerCats de Hamilton pourraient jouer quelques parties de saison régulière à Moncton en 2013, en raison de la fermeture de leur vieux stade et en attendant l’ouverture du nouveau, l’année suivante. La ligue avait rejeté l’idée et avait plutôt approuvé un déménagement temporaire à l’Université de Guelph.
Il faut dire que Moncton, avec une population de 72 000 citoyens (145 000 pour le Grand Moncton), serait de loin le plus petit marché du circuit. Les dirigeants voient clairement plus gros. Leurs yeux sont tournés vers Halifax.
La capitale néo-écossaise compte une plus grande population (environ 400 000 personnes), mais n’a pas de stade digne de ce nom. Si elle possédait une telle infrastructure, vous pouvez être certains que c’est là que les Touchés Atlantique auraient eu lieu au début des années 2010.
Les choses évoluent en Nouvelle-Écosse. Un groupe d’entrepreneurs a démontré son intérêt pour acheter une concession. Le commissaire de la Ligue canadienne de football, Randy Ambrosie, a assisté à une session du conseil municipal. La partie n’est toutefois pas gagnée d’avance. La Ville de Halifax hésite à dépenser des millions de dollars pour construire un stade flambant neuf.
Peu importe. Si les politiciens néo-écossais décident de construire un palace pour accueillir les footballeurs, bien leur en fasse. À chacun ses priorités.
La construction d’un stade à Halifax et l’obtention d’une concession de la LCF sonneraient le glas des aspirations monctoniennes. Sauf que ces espoirs n’ont jamais été ancrés dans la réalité. Il n’y a pas d’intérêt réel de la ligue, ni des gens d’affaires censés mener le projet et pas assez de partisans pour remplir les sièges. S’il y avait une «folie LCF» dans la région, il y aurait eu de nombreux autres Touché Atlantique au Stade de Moncton.
Ne pleurons pas la Ligue canadienne de football. Elle ira chercher ses millions ailleurs, dans d’autres provinces. Moncton et le gouvernement du N.-B. dépenseront l’argent des contribuables autrement, et espérons-le de façon plus responsable.