GORGE DE LA RIVIÈRE JACQUET: DES CHASSEURS EN COLÈRE
Une vague de mécontentement prend de l’ampleur parmi les chasseurs face au tracé de la zone naturelle protégée de la gorge de la rivière Jacquet. D’autant plus qu’ils n’auront plus accès aux petits chemins qu’ils empruntaient en véhicule tout-terrain. En 2003, le gouvernement provincial a décidé de protéger, par l’entremise d’une loi, 10 grandes zones naturelles.
Située dans les comtés du Restigouche et de Gloucester, la gorge de la rivière Jacquet est la plus grande zone naturelle protégée de la province, avec ses 26 000 hectares.
Un plan stratégique de 2017 à 2027, pour diminuer les impacts de l’activité humaine dans cet endroit, est en cours d’adoption. Deux journées portes ouvertes, pour présenter l’ébauche, se sont tenues il y a moins de deux semaines à Belledune et à Beresford.
Des citoyens frustrés sont montés aux barricades. En premier lieu parce que la zone protégée touche les terres privées.
«Nous nous faisons mettre dans un corridor. Nous sommes barrés sur 11 km et barrés par la mer à la droite. Nous sommes étouffés. Nous ne sommes pas contre la zone protégée, au contraire, mais le gouvernement provincial détient 7,3 millions d’hectares de terre, alors pourquoi enlever la liberté aux gens en la mettant si proche d’eux? Il faudrait qu’elle soit plus à l’ouest. Nous leur demandons de nous garder une zone tampon. Qu’ils reculent le tracé de 10 km, comme cela nous aurons 20 km de la zone à la mer», propose Lévis Roy, un citoyen d’Alcida.
Leur chemin d’accès sera celui du Lac Antinouri en empruntant le chemin Dauversière ou le chemin Mitchell. Il ne sera plus question de circuler en véhicules tout-terrain sur les passages d’antan.
«Chasser sur ce grand chemin, ce sera comme être sur une transcanadienne. Il va y avoir un trafic incroyable et aucun animal ne va rester près. Oui, tu peux aller à travers du bois, mais à pied. Personne ne fait la chasse à pied maintenant», fait remarquer Gilles Roy, de la localité de Dauviersière.
«Nous allons perdre plus de 50 camps de chasse. Nous n’avons pas l’intention de chasser l’orignal ailleurs ni de le couper en morceaux pour le sortir dans un sac à dos», affirme-t-il.
Plusieurs prévoient donc de faire leur deuil de cette activité qu’ils affectionnent si la vision du gouvernement demeure telle quelle.
«Cette année, ils faisaient assez chaud la première journée de chasse à l’orignal, que même à 1000 pieds, on perdait toute la viande sans quatre-roues. Ça affecte beaucoup de monde parce que tu ne chasses pas l’orignal seul. Ce sont des équipes de quatre ou six personnes. Si les règlements sont ainsi adoptés, personne ne voudra chasser l’orignal ici, parce qu’on ne pourra pas le sortir. La chasse et la pêche ont toujours fait partie de la culture des Acadiens, comme pour les Autochtones», renchérit Lévis Roy.
Ils veulent se former en comité afin de plaider leur cause auprès du gouvernement. De plus, des chasseurs et des pêcheurs craignent qu’à long terme, ils soient complètement bannis du territoire.
«Je suis contre ça. Qu’ils éloignent les lignes des terres privées. Et qu’est-ce que nous dis que dans cinq ans, ils ne vont pas nous dire que nous n’avons plus le droit d’aller là? Nous ne pouvons pas nous fier sur eux», soulève Gilbert Guerette, un habitant d’Alcida.
Le député local, Daniel Guitard, a demandé une rencontre avec son collègue, le ministre du Développement de l’énergie et des ressources, Rick Doucet.
«Je suis conscient de la situation et des défis que la population va rencontrer. Je vais faire mon possible pour trouver des arrangements avec le ministère, mais je dois d’abord me faire m’expliquer l’étendue de la loi, ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. Si nous sommes chanceux, la loi va permettre des exceptions», avance M. Guitard.
Le ministère affirme qu’il prendra en considération les observations qui lui auront été communiquées.
«Une version révisée du plan tiendra compte des commentaires reçus et tentera de répondre aux besoins du public tout en veillant à ce que l’aire naturelle protégée soit efficacement protégée. Les sessions portes ouvertes n’étaient pas la première tentative de solliciter la contribution des parties prenantes, mais plutôt la fin d’un long processus menant au plan qui avait commencé avec le comité consultatif local au cours de la décennie précédente», fait remarquer Jean Bertin, le porte-parole.
L’entrée en vigueur du plan ne sera pas avant mars 2018. Si les infractions seront passibles d’une amende minimum de 500$, le public aura cependant droit à un sursis.
«Pendant une certaine période après la mise en oeuvre du plan, le ministère mettra l’accent sur une campagne de sensibilisation pour les délinquants primaires plutôt que d’imposer des amendes», assure M. Bertin.
Les citoyens et les groupes d’intérêt ont encore jusqu’au 8 décembre pour émettre des commentaires sur le plan stratégique de la gorge de la rivière Jacquet.