COMME DANS UN FILM DE SCIENCE-FICTION
La scène frappe. Tom Cruise entre dans un centre commercial, chaque panneau publicitaire le reconnaît et lui montre des publicités personnalisées. En 2017, Minority Report, ce n’est plus de la science-fiction.
«On en est là. Le film date de 2002. On est maintenant en 2017 et ce n’est pas de la science-fiction. C’est fou», confie Éric Hervet, professeur et chercheur au département d’informatique de la faculté des sciences de l’Université de Moncton.
M. Hervet, travaille en collaboration avec une jeune entreprise de Moncton, Elumicate. Le but est d’utiliser des caméras pour reconnaître les émotions, le sexe et la tranche d’âge d’une personne pour des applications commerciales.
À Berlin, en Allemagne, un panneau publicitaire installé dans un centre commercial et équipé d’une caméra peut déjà déterminer l’âge approximatif d’un passant.
«On peut s’imaginer à ce moment-là que la publicité de l’écran s’ajuste. Par exemple, si la personne est âgée entre 25 et 30 ans, ça peut être une publicité de vêtements pour les jeunes. On a commencé à créer des écrans électroniques intelligents qui vont cibler la publicité diffusée», a expliqué le professeur.
Dans le Grand Moncton, les panneaux publicitaires lumineux poussent comme des champignons. Ces télévisions géantes sont des investissements importants pour leurs propriétaires.
«Ce sont quand même des écrans qui valent de 200 000$ à 300 000$, mais pour l’instant on s’en sert comme des écrans géants pour Power Point. On s’en sert pour y lancer des publicités. On n’est pas trop certain qui va les regarder et si ça aura un impact.»
L’intelligence artificielle couplée à des caméras performantes pourrait dès 2018 améliorer grandement la capacité publicitaire de ces panneaux. L’algorithme de M. Hervet peut déjà identifier 96% des voitures sur les routes en Amérique du Nord.
«Par exemple, si la caméra détecte une BMW, on peut s’imaginer que les publicités sur l’écran seraient pour des voitures de luxe, etc.»
En somme, une caméra pourrait très bientôt être en mesure de déterminer la marque et le type de véhicule et afficher une publicité qui reflète le statut social présumé du conducteur.
Si une voiture de bas de gamme approche la lentille, une publicité pour un hôtel trois étoiles pourrait s’afficher alors que pour une Mercedes, il s’agirait d’un hôtel cinq étoiles.
Les applications ne sont pas que publicitaires. Des caméras pourraient balayer les stationnements et détecter, sans intervention humaine, si des espaces sont disponibles et où. L’information pourrait ensuite être relayée à un panneau électronique à l’entrée du parc automobile. Le professeur est déjà en discussion avec la Ville de Moncton pour une telle utilisation.
ROBOT ET CAMÉRAS
Déjà, un collègue de M. Hervet a mis au point un robot qui peut reconnaître l’émotion d’une personne. Des caméras peuvent aussi reconnaître l’âge et d’autres le sexe d’un passant. La technologie existe et il ne reste qu’à tout rassembler ça en un produit.
«Tout va tellement dans toutes les directions que personne n’a peut-être pris le temps encore de rassembler tout ça.»
Dès 2018, l’équipe de M. Hervet compte commencer à travailler à «rassembler tout ça» pour créer un algorithme qui pourrait en savoir beaucoup sur nous en quelques secondes grâce à quelques images. Pour l’instant, ça commence par des voitures.
Évidemment, des questions éthiques se poseront, mais pour le professeur, l’important est de faire avancer la technologie.
«Ça dépend de l’utilisation que les gens vont en faire. Je pense que technologie ou pas de technologie, il y aura toujours des personnes du côté sombre qui risque de pirater ces systèmes pour en faire autre chose, mais est-ce que c’est une raison pour arrêter la technologie? Évidemment, ma réponse est non».