ACCIDENT MORTEL: BATAILLE JURIDIQUE
L’accident de travail qui a fait un mort et trois blessés, le 14 mai 2016, dans le port de Caraquet, connaît une suite judiciaire. L’une des deux entreprises impliquées est poursuivie. Travail sécuritaire NB lui reproche de ne pas avoir respecté les directives de la loi sur l’hygiène et la sécurité au travail.
Le responsable de D-Canaco Trading a comparu pour une quatrième fois le 20 novembre, au Palais de justice de Caraquet. Il employait le contremaître et les deux dé chargeurs qui ont été blessés dans l’accident.
À l’audience, l’avocat de la défense a demandé un ajournement afin de pouvoir étudier la preuve de la Couronne qu’il n’a pas encore reçue. Le chef d’entreprise mis en cause n’a pas enregistré son plaidoyer.
Johanne Doiron, la soeur de la victime, suit cette affaire depuis le début. Elle était présente au tribunal, la semaine dernière. Son frère ne travaillait pas pour D-Canaco Trading, il était conducteur de poids lourds chez Trans Provincial.
«Ils vont parler de lui au procès. Ma famille et moi, on a entendu toute sorte de versions sur ce qui s’était passé. On veut comprendre», explique-t-elle.
Le 14 mai 2016 reste un jour fatidique ancré dans sa mémoire. C’était un samedi. Aux alentours de 10h, Gérald Doiron manoeuvrait le camion qu’il conduisait en bout de quai. La grosse quantité de glace qu’il transportait devait être transvidée dans un crevettier amarré.
Deux déchargeurs, supervisés par leur contremaître, sont montés dans la benne pour commencer l’opération. Gérald Doiron est descendu du siège conducteur afin d’élever mécaniquement la benne.
Alors que tout le monde s’affairait, un épais bloc de glace s’est soudain détaché, percutant violemment les portes arrière du camion. Il a entraîné dans sa chute les deux déchargeurs. L’un d’eux est tombé à l’eau. Nous l’avions rencontré peu après sa sortie de l’hôpital.
«Je n’ai pas réalisé que j’étais dans la mer. J’étais entouré de glace. Pour moi, j’étais au sol. C’est quand j’ai commencé à bouger que je m’en suis rendu compte. Je suis peutêtre resté sous l’eau une minute», nous avait-il raconté.
Le contremaître lui a tendu une perche. Il a ainsi regagné le quai. Dans la confusion, personne n’a remarqué que Gérald Doiron avait été enseveli. Transporté à l’hôpital, il n’a pu être sauvé.
«C’est ma mère qui m’a appelée pour me dire qu’il avait eu un accident. En nous rendant à l’hôpital, mes parents et moi avions l’espoir qu’il était encore en vie. Je me disais que ça ne pouvait pas nous arriver. Et c’est arrivé», confie Johanne Doiron.
Les mois ont passé, mais le temps n’a pas apaisé sa peine. Elle avoue penser à son frère disparu en permanence.
«Il habitait avec notre mère pas loin de chez moi, à Leech. On se voyait tous les jours. Sa mort a détruit notre famille.»
Gérald Doiron avait 40 ans. Ce drame a aussi touché les usagers du port de Caraquet.
«C’est malheureux quand un incident bête devient une tragédie», commente Daniel Landry.
Le directeur général du comité du port constate que depuis, les travailleurs se montrent plus vigilants. «Mais ça reste des métiers dangereux. On est chanceux qu’il n’y ait pas plus d’accidents.»
Johanne Doiron garde en mémoire le souvenir de son frère comme quelqu’un qui était «toujours de bonne humeur». «C’était un homme courageux. Il nous manque.»