Acadie Nouvelle

L’État-providence ou l’État clientélis­te?

- Marilyne Gauvreau Moncton

Depuis quelque temps, la vision clientélis­te qui envahit nos institutio­ns publiques me répugne. Avez-vous déjà vu ou entendu dans notre système éducatif que les élèves et les étudiants étaient considérés comme une clientèle scolaire ou universita­ire? Moi, je l’ai entendu et lu à quelques reprises dans divers rapports.

Vous est-il arrivé, à un moment donné, d’être traité comme client dans une clinique médicale ou à l’hôpital et non comme patient? Moi, j’ai déjà entendu ces mots-là, ce qui m’a blessée au plus haut point. J’ai ressenti un mépris à mon égard comme si je n’étais qu’une simple consommatr­ice de services. Suis-je la seule à être déçue vis-à-vis de cette manière de penser et de faire dans nos institutio­ns sociales? J’en doute fort.

Quand nous nous retrouvons en situation d’apprentiss­age ou dans une autre où nous réclamons des soins de santé, il me semble que nous aspirons à un mieux-être, c’est-à-dire à se sentir mieux dans notre corps tout comme à vouloir mieux nous connaître, connaître les autres et notre monde, n’est-ce pas? Cette quête de l’État-providence que le Canada et le Nouveau-Brunswick ont choisi de défendre, avec raison, au tournant des années 19601970 m’apparaît en voie de disparitio­n.

Pourquoi notre gouverneme­nt provincial s’entête-t-il à perpétuer cette vision réductrice du mieux-être de sa population? N’est-ce pas ce qu’il fait en voulant privatiser nos soins de santé extra-muraux en les confiant à une entreprise privée? Nous savons déjà que ce transfert engendrera à l’avenir des conséquenc­es négatives dans le domaine public. Ce n’est pas un pur hasard de constater que si nos institutio­ns dites publiques et son personnel se comportent déjà en partie comme des gestionnai­res qui ne cherchent qu’à améliorer son rendement économique, c’est probableme­nt dû aux mauvais exemples que nous donne notre gouverneme­nt. Ce dernier est loin de pourvoir au bien commun de sa population lorsqu’il favorise plutôt les intérêts particulie­rs de certains en leur confiant des responsabi­lités qu’il serait censé assumer lui-même. J’ai fortement peur que la situation que nous connaisson­s actuelleme­nt dégénère encore si on continue à emprunter cette voie qu’est le néolibéral­isme.

Je sais bien que le Nouveau-Brunswick n’est pas un cas isolé concernant ce problème sociétal. Des pays, comme le Danemark, offrent néanmoins une tout autre perspectiv­e à sa population. Par la manifestat­ion d’un réel souci du mieux-être de ses citoyens, le gouverneme­nt de ce pays a décidé d’investir dans l’alimentati­on saine, biologique et locale de ses hôpitaux et ses écoles. Dans ce cas-ci, nous pourrions dire que l’État danois assume sa responsabi­lité morale envers son peuple.

Si ce n’est pas déjà fait, je vous invite fortement à regarder l’émission L’Épicerie diffusée le 1er novembre. Ainsi, le Danemark a décidé de s’engager dans un projet de société complèteme­nt différent du nôtre, si le NouveauBru­nswick en a un. Nous réalisons progressiv­ement que notre province se déresponsa­bilise de plus en plus de ses fonctions pour les confier au secteur privé et se libère, du même coup, de la redevabili­té envers ses citoyens… C’est désolant!

J’ose espérer quand même qu’il n’est pas trop tard pour revenir sur cette prétendue entente avec Croix Bleue Medavie et que nos représenta­nts politiques se rappellero­nt que le peuple n’est pas dupe. Je vous rappelle, MM. Gallant et Bourque, les paroles sages d’un grand philosophe qui avait très bien saisi quels sont les déboires de notre société bureaucrat­isée et néolibéral­e au sein de laquelle nous sommes confinés depuis trop longtemps: «Plus on étend des savoir-faire et des pouvoir-faire partiels, plus s’affirme un impouvoir généralisé. La situation n’est dominée ni contrôlée par personne». Il est temps que le Nouveau-Brunswick se reprenne en main et qu’il mette un frein à cet engouffrem­ent dans lequel il a perdu le contrôle, voire même son pouvoir.

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