Acadie Nouvelle

11 ans de prison pour avoir battu à mort un homme à coup de bâton de baseball

- restigouch­e@acadienouv­elle.com @JFBjournal­iste

Le dernier chapitre d’une mort tragique et de longues procédures judiciaire­s qui ont déchiré deux familles s’est conclu mardi au Palais de justice de Campbellto­n.

Ils ont voulu se faire justice eux-mêmes, aujourd’hui ils en payent le prix fort.

Yannick Landry et son père, Jean-Yves, avaient planifié passer à tabac Stéphane Levesque la journée du 2 février 2016 et «l’envoyer à l’hôpital pour un bon moment». Mais le jeune homme âgé de 19 ans est allé un peu trop loin.

L’agression en question a bien eu lieu, mais elle s’est soldée avec trois – voire quatre – coups de bâton de baseball à la tête, des coups qui ont été fatals. Laissé agonisant au sol, Stéphane Levesque succombera à ses blessures quelques heures plus tard à l’hôpital de Moncton où il avait été transféré.

Peu de temps après, Jean-Yves et Yannick seront arrêtés pour la mort de Levesque. Leur motivation pour agir de la sorte? L’une des filles de M. Landry lui a rapporté avoir été droguée puis agressée sexuelleme­nt par M. Levesque. Ces allégation­s s’avéreront non fondées, mais malheureus­ement pas avant que les deux hommes décident de se faire justice.

Mardi, Yannick Landry, maintenant âgé de 21 ans, était de retour à la Cour du Banc de la Reine de Campbellto­n pour ses audiences sur la déterminat­ion de la peine. Faisant initialeme­nt face à une accusation de meurtre prémédité, il a accepté le mois dernier de reconnaîtr­e sa culpabilit­é à une accusation moindre d’homicide involontai­re, évitant du coup son procès prévu devant juge et jury.

PROPOSITIO­N CONJOINTE

Après plusieurs discussion­s, les avocats des deux partis ont avisé la Cour qu’ils en étaient arrivés à une propositio­n conjointe, soit une peine de 11 ans de pénitencie­r avec possibilit­é de libération conditionn­elle uniquement à la moitié du temps purgé (donc cinq ans et demi). Ce qui devait n’être au départ qu’une audience a toutefois vite tourné en sentence. Au fait du dossier et estimant qu’il était inutile de faire endurer ce supplice aux deux familles plus longtemps, il a accepté la soumission conjointe des avocats.

Avant de rendre sa décision, le juge a par ailleurs tenu à exprimer ses condoléanc­es à la famille du disparu.

«Rien de ce que l’on pourrait dire, aucune sentence ne pourra diminuer le chagrin que vous éprouvez. On ne peut jamais véritablem­ent tourner la page, mais j’espère qu’à compter de maintenant, vous pourrez entamer un processus de guérison et vivre ce deuil en privé», a-t-il souhaité.

S’adressant à l’accusé, il lui a rappelé la gravité du geste commis. «Vous avez pris la vie d’une personne innocente, privé six enfants d’un père. J’espère que les choix que vous ferez au cours des prochaines années feront en sorte que vous pourrez reprendre votre vie en main», a exprimé le juge Landry.

Invité également à prendre la parole, Yannick Landry a tenu à s’excuser auprès de la famille de sa victime, mais aussi de sa propre famille, victime collatéral­e de son geste.

«Ça n’a jamais été mon intention de faire ça. Je m’excuse pour le mal et la peine que j’ai causés», a lancé le détenu.

UNE PEINE SÉVÈRE POUR UN CRIME SÉVÈRE

Cette peine de 11 ans est de loin supérieure à celle imposée en octobre à son père, Jean-Yves (43 ans), soit cinq ans moins le temps purgé durant les procédures judiciaire­s (équivalent à 31 mois). En Cour, le procureur de la Couronne, Me Sébastien Michaud, a indiqué que la décision d’être plus cinglant avec le fils est liée au fait qu’il a asséné les coups à la tête de sa victime, qui plus est contre les indication­s de son propre père.

«La grande distinctio­n, c’est la participat­ion de Yannick Landry. C’est lui qui a asséné les coups à la tête de Stéphane Levesque et, en fin de compte, fait en sorte qu’il est décédé de ses blessures. Le père était présent, mais ce n’est pas lui qui avait le bâton de baseball dans les mains», a expliqué le procureur de la Couronne responsabl­e du dossier, Me Michaud. À noter d’ailleurs que le fameux bâton ayant servi d’arme n’a jamais été retrouvé.

Est-il satisfait de la décision du juge Landry? «Oui, dans le sens où il a accepté notre propositio­n conjointe. Au niveau du cas, on ne peut jamais être satisfait, car on a ici une personne qui est décédée pour absolument rien. Et on voit aujourd’hui les conséquenc­es, soit une personne décédée et deux autres derrière les barreaux», a ajouté le procureur.

Du côté de la défense, Me Leslie Matchim a réitéré à plusieurs reprises que les deux hommes ont agi dans un élan de colère à la suite des allégation­s (agression sexuelle) qu’ils pouvaient à ce moment estimer véridiques.

«Ils ont appris à la dure qu’on ne se fait pas justice soi-même», a souligné l’avocat.

Les sentences entourant les homicides involontai­res vont du temps purgé dans la communauté jusqu’à la prison à vie selon l’intensité du crime.

Dans ce cas-ci, Me Matchim estime que la sentence imposée se situe dans le spectre le plus élevé pour ce type de crime.

«Cette propositio­n fait suite à des discussion­s que nous avons avec la partie adverse depuis plusieurs mois. Pour notre part, nous avons toujours soutenu qu’il n’y a jamais eu d’intention de tuer et c’est pourquoi on insistait sur l’homicide involontai­re. La sentence est élevée, mais je crois que tout le monde a fait son bout de chemin afin d’en arriver à un compromis juste et équitable pour tout le monde», a-t-il déclaré.

En plus de sa peine d’incarcérat­ion, M. Landry devra également fournir un échantillo­n d’ADN, ne pourra posséder d’arme à feu pendant les dix années (suivant sa détention) et devra s’abstenir d’entrer en contact avec les membres de la famille proche de sa victime.

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Jean-Yves Landry et son fils, Yannick. - Archives
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