Acadie Nouvelle

L’Islande n’est pas à l’abri des agressions sexuelles

- Egill Bjarnason Associated Press

Le Forum économique mondial affirme depuis neuf ans de suite que c'est en Islande que le fossé entre les hommes et les femmes est le plus étroit.

Ça fait environ aussi longtemps qu'on demande à la professeur­e Gyda Margret Petursdott­ir, une spécialist­e de l'égalité des sexes, comment ce petit pays nordique est devenu le paradis des femmes. Sa réponse: «Il ne l'est pas». L'Islande est dirigée par une première ministre et le pays s'est doté de certaines des lois les plus musclées de la planète en ce qui concerne l'égalité en milieu de travail et la parité des salaires.

On y trouve aussi, en revanche, un des taux de viol par habitant les plus élevés d'Europe, selon l'agence statistiqu­e européenne Eurostat, même si les différente­s définition­s juridiques du crime que font différents pays compliquen­t les comparaiso­ns.

Lors d'une étude réalisée en 2010 par l'Université de l'Islande, 30% des femmes âgées de 18 à 80 ans ont rapporté avoir été attaquées physiqueme­nt par un homme au moins une fois, dont 13% qui ont dit avoir été victimes d'un viol ou d'une tentative de viol.

Le réveil est brutal pour les Islandais: une représenta­tion égale n'entraîne pas la disparitio­n de la violence fondée sur le sexe.

Mme Petursdott­ir estime que le «mythe» selon lequel l'égalité des sexes en Islande en fait un pays sécuritair­e pour les femmes détourne l'attention des mesures nécessaire­s pour combattre les agressions systémique­s.

«Les hommes doivent modifier leur vision de la masculinit­é, a-t-elle dit. C'est le plus grand défi en ce moment.»

Les allégation­s d'inconduite sexuelle qui ont fait tomber certains des hommes les plus puissants du monde et le mouvement #moiaussi ont rejoint l'Islande. Des centaines de politicien­nes, de chercheuse­s et de vedettes islandaise­s ont récemment signé un document contre le harcèlemen­t sexuel et incité leurs collègues masculins à modifier leur comporteme­nt.

Plus de 40% des députés islandais sont des femmes. Le mois dernier, la politicien­ne de gauche Katrin Jakobsdott­ir a été élue première ministre à la tête d'un gouverneme­nt de coalition, devenant la deuxième Islandaise à diriger le pays en dix ans. Un pays déjà considéré comme un champion de l'égalité entre hommes et femmes récoltera donc un autre point à l'indice mondial d'écart entre les sexes du Forum économique mondial.

Cet indice mesure l'espérance de vie, les possibilit­és de s'instruire, la représenta­tion politique, la parité des salaires et d'autres facteurs, mais non la violence fondée sur le sexe.

Les féministes sont d'avis que la cote rutilante de l'Islande masque la violence, le harcèlemen­t et le sexisme quotidiens, et que les hommes et les femmes devront modifier leurs attitudes et leurs comporteme­nts pour corriger le tir.

Le député de gauche Andres Ingi Jonsson et plusieurs de ses collègues masculins ont convaincu le président du parlement d'organiser en février un atelier pendant lequel 63 parlementa­ires ont été invités à discuter librement du harcèlemen­t sexuel en milieu de travail. «Ce ne sera pas une journée facile», prédit M. Jonsson. Il espère que tous les invités seront de la partie, même s'il sait que certains auront une plus grande ouverture d'esprit que d'autres. «Il faut être prêts à ouvrir nos coeurs un petit peu», dit-il. L'Islande n'est peut-être pas parfaite, mais ses politicien­s prennent l'égalité des sexes au sérieux.

La loi islandaise impose aux conseils d'administra­tion des entreprise­s privées de compter au moins 40% de femmes, et les hommes ont droit aux mêmes congés parentaux que les femmes. À compter de l'an prochain, les compagnies devront prouver qu'elles offrent aux deux sexes la parité salariale pour un emploi comparable.

On constate aussi un vent de changement et une volonté de ne plus fermer les yeux sur le harcèlemen­t sexuel.

Plusieurs clubs de Reykjavik, la capitale, ont installé des affiches demandant à leurs clients d'informer le personnel s'ils sont victimes de harcèlemen­t. La militante Helga Lind Mar estime que les changement­s sont palpables.

«Il y a encore des salauds, dit-elle. Mais ils ont de plus en plus peur que leur comporteme­nt soit dénoncé.»

Des écoles ont aussi mis en place des programmes pour éveiller dès que possible les jeunes à la discrimina­tion, aux stéréotype­s et aux messages blessants.

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Les élèves islandais ont droit à des cours sur l’égalité des sexes. − Associated Press: David Keyton

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