Les élections avant l’environnement
Le plan de tarification du carbone du N.-B. est un bon coup pour le gouvernement Gallant, un cadeau à court terme pour les contribuables, mais un échec du point de vue environnemental.
Fredericton a dévoilé que 37 millions $ en provenance de la taxe sur l’essence et les carburants seront redirigés vers un nouveau Fonds pour les changements climatiques.
Pour bien analyser cette annonce, il faut d’abord savoir que la tarification du carbone directement auprès des consommateurs, comme l’exige le gouvernement du Canada, doit en général avoir deux effets.
1. Convaincre les consommateurs de choisir les produits sans carbone en rendant plus dispendieux les produits à haute intensité carbonique.
2. Récolter de l’argent pour financer des initiatives d’adaptation et de lutte aux changements climatiques.
En décidant de réaffecter vers un fonds vert l’argent d’une taxe déjà en vigueur, la province atteint le deuxième objectif, mais passe complètement à côté du premier. C’est voulu. Pour les automobilistes, rien ne changera. Quand vous ferez le plein, le prix à la pompe comprendra les taxes, comme c’est déjà le cas aujourd’hui. La seule différence, c’est qu’une partie du montant (2,33 cents par litre d’essence et 2,76 par litre de diesel) servira désormais à financer des initiatives environnementales plutôt que les dépenses générales du gouvernement (santé, éducation, etc).
Le premier ministre Brian Gallant s’enlève ainsi une grosse épine du pied.
Il n’aura pas à vendre une impopulaire taxe sur le carbone lors de la campagne électorale, et ce, alors que notre taxe sur l’essence est déjà plus élevée que dans d’autres provinces et que nos émissions de gaz à effets de serre ont diminué au cours des dernières années à la suite de fermetures d’usines.
Il faut comprendre que le gouvernement du N.-B. agit à reculons dans ce dossier. Le gouvernement fédéral lui force la main.
En effet, ce dernier imposera un prix de 10$ la tonne de dioxyde de carbone à compter de 2018. Le tarif atteindra 50$ la tonne en 2022. Ce même plan comprend la fermeture des centrales thermiques fonctionnant au charbon, comme celle de Belledune.
Les provinces ont le droit d’adopter leur propre système. Le Québec a mis sur pied un marché du carbone avec la Californie. Les grands pollueurs doivent acheter à fort prix des droits d’émissions de gaz à effet de serre, un incitatif puissant pour qu’elles diminuent leurs émissions.
Pour éviter la taxe fédérale, le NouveauBrunswick choisit plutôt de réaffecter une partie des fonds de la taxe sur l’essence. La stratégie est limpide. Personne ne veut payer de nouvelles taxes, aussi minimes soient-elles. Mais qui se préoccupe vraiment de savoir dans quel programme chaque sou de chaque taxe est dépensé?
Tel que mentionné plus haut, il y a toutefois un problème, et il est de taille. Cela ne changera absolument rien au comportement des citoyens et des entreprises.
Ottawa n’est pas dupe. À peine quelques heures après l’annonce, la ministre fédérale de l’Environnement et du Changement climatique, Catherine McKenna, a exprimé ses doutes quant au plan néo-brunswickois.
Elle affirme - avec raison - que le NouveauBrunswick ne crée pas de nouvel incitatif à réduire la pollution. En termes plus clairs, le conducteur d’un gros véhicule polluant ne devra pas piger davantage dans sa poche pour jouir de son privilège et n’aura donc pas intérêt à conduire une voiture moins énergivore.
Nous ne sommes pas convaincus que le plan présenté par le gouvernement du Nouveau-Brunswick passera la rampe à Ottawa. Or, le fédéral révisera l’approche de chaque province en matière de tarification du carbone l’an prochain. Si la nôtre échoue le test, la taxe fédérale s’appliquera.
Nous ignorons aussi exactement dans quels projets l’argent transféré de la taxe sur l’essence sera dépensé. Nous ne savons pas non plus comment Fredericton comblera le manque à gagner. Le ministre Serge Rousselle affirme que la province va se servir de ses futurs surplus budgétaires.
Bonne chance avec ça. Fredericton doit verser 38 millions $ dans le fonds vert en 2018-2019, mais n’entend pas atteindre l’équilibre budgétaire avant 2020-2021.
Cela importe toutefois peu pour le moment chez les libéraux au pouvoir à Fredericton. La priorité à court terme n’est pas de forcer les pollueurs à modifier leurs habitudes, mais plutôt de ne pas être pris à défendre en pleine campagne électorale une nouvelle taxe.
Au pire, si la ministre McKenna joue les empêcheuses de tourner en rond, Brian Gallant pourra toujours se présenter comme un défenseur des contribuables qui se tient debout face à Ottawa.
Pour ce qui est d’un véritable plan provincial contre les changements climatiques, par contre, il faudra repasser.