Acadie Nouvelle

Pour en finir avec les donateurs de l’ombre

-

Le ministre Serge Rousselle termine 2017 de belle façon, avec la présentati­on d’un projet de loi visant à soumettre les politicien­s municipaux à des règles strictes en matière de financemen­t et de dépenses électorale­s.

Ce projet de loi ne sera pas un sujet de conversati­on populaire dans les chaumières pendant le réveillon de Noël. Néanmoins, il a son importance. Nous devons nous réjouir de voir le gouverneme­nt provincial annoncer ses couleurs.

Commençons d’abord par énoncer une évidence, certes, mais qui vaut quand même la peine d’être répétée dans le contexte. La majorité des élus municipaux, sinon la presque totalité, sont des gens honnêtes et intègres.

Si certains manquent de leadership ou de vision, comme nous l’a si bien rappelé Anne-Marie Jourdain au moment de remettre sa démission en tant que conseillèr­e municipale à Bas-Caraquet, il y a quelques semaines, le fait demeure que la plupart d’entre eux ne sont pas là pour se remplir les poches ou celles de leurs amis.

Cela ne signifie pas qu’il faut leur donner le Bon Dieu sans confession.

Le problème le plus criant est à propos du financemen­t électoral. Au niveau municipal, il n’y a pratiqueme­nt aucune règle à suivre. C’est le Far West.

Si vous êtes le moindremen­t informé, vous connaissez le nom du maire de la municipali­té où vous résidez. Vous ignorez toutefois combien a coûté sa campagne électorale. Vous ne savez pas qui ont été ses principaux donateurs ni combien d’argent ils lui ont donné pour l’aider à se faire élire.

Ces informatio­ns sont confidenti­elles. Si votre municipali­té décide d’accorder un contrat à un entreprene­ur même si sa soumission est un peu plus élevée que celle de son concurrent, vous n’avez aucun moyen de savoir si des liens étroits unissent celui-ci et les élus municipaux.

C’est tout le contraire au provincial, où la contributi­on maximale à un parti politique provincial sera de 3000$ par année par personne à compter du 1er janvier. De plus, la loi oblige le dévoilemen­t de la liste des donateurs.

Il y a un peu moins de deux ans, l’Acadie Nouvelle avait publié une série d’articles sur le sujet. Le ministère des Gouverneme­nts locaux et de l’Environnem­ent avait réagi en partageant sa volonté d’apporter des changement­s à la loi avant les élections municipale­s de 2018.

Ce n’était pas tout à fait un engagement ferme. Des milliers de Néo-Brunswicko­is auront la «volonté», au lendemain du jour de l’An, de perdre du poids et de se remettre en forme dans un gymnase. Combien le feront réellement?

Le gouverneme­nt provincial semble toutefois en voie de tenir promesse. Nous nous en réjouisson­s.

En nous fiant à la parole du ministre Rousselle, nous pouvons espérer que les élus municipaux devront bientôt suivre des règles semblables à celles du provincial et du fédéral. Il y aura une limite aux dons individuel­s qu’ils peuvent accepter. Les candidats devront aussi dévoiler l’identité des personnes qui financent leurs activités politiques.

«C’est une question de transparen­ce et de reddition des comptes», a indiqué Serge Rousselle. Nous sommes du même avis.

Si les municipali­tés ne gèrent pas des milliards de dollars au même titre que les paliers supérieurs de gouverneme­nt, elles dépensent tout de même des sommes très importante­s.

C’est particuliè­rement vrai pour les principale­s villes de la province. Moncton, par exemple, a donné le feu vert au cours des dernières années à des projets d’infrastruc­tures très coûteux. Pensons à l’amphithéât­re (104 millions $), à l’usine d’épuration des eaux usées (45,2 millions $), à la Place Resurgo (10 millions $) et au réservoir Turtle Creek (43,2 millions $). Il s’agit tous de projets où la Ville a payé une bonne part et parfois la majorité des coûts.

Ce n’est pas de la petite monnaie. D’où l’importance que ceux qui approuvent ces investisse­ments soient soumis aux mêmes règles que leurs homologues à Fredericto­n et à Ottawa.

Attendons toutefois avant de crier victoire. Le diable est dans les détails.

Déjà, le ministre a annoncé vouloir consulter les municipali­tés. Il précise que les règles seront différente­s selon la taille des municipali­tés. De même, ceux qui recueillen­t des dons en deçà d’un certain seuil devront respecter des règles moins contraigna­ntes.

C’est de bonne guerre. Une campagne électorale est plus dispendieu­se à mener à Moncton qu’à Rivière-Verte. Il est normal d’ajuster le plafonneme­nt des dons en conséquenc­e. De même, il n’est pas exagéré de permettre aux petits donateurs (moins de 25$ ou de 50$, par exemple) de conserver l’anonymat.

Nous recommando­ns toutefois au ministre de ne pas laisser trop d’échappatoi­res dans la loi. Avec des règles claires, des limites de dons et de la transparen­ce, notre système électoral n’en sera que plus fort. Notre démocratie aussi.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada