Acadie Nouvelle

Les hommes se méfieront-ils des femmes au travail?

- Jennifer Peltz Associated Press

Des hommes et des femmes commencent à se demander si le climat qui permet maintenant aux femmes de dénoncer les inconduite­s sexuelles dont elles ont été victimes ne risque pas d'inciter certains hommes à se méfier de leurs collègues féminines.

Oubliez les rencontres privées ou les repas pour apprendre à mieux se connaître. Méfiez-vous des conversati­ons banales. Pensez-y à deux fois si vous êtes un homme bien placé qui envisage de prendre sous son aile une jeune collègue.

«Je commence déjà à entendre des grondement­s de répercussi­ons: “C'est pour ça qu'il ne faut pas embaucher de femmes”, a récemment écrit en ligne la directrice de l'exploitati­on de Facebook, Sheryl Sandberg. Il se passe tellement de belles choses pour améliorer le climat de travail actuelleme­nt. Assurons-nous que ça n'aura pas l'effet secondaire indésiré d'empêcher les femmes d'avancer.»

Les interactio­ns hommes-femmes au boulot rendaient déjà les Américains nerveux: un sondage New York Times/ Morning Consult réalisé au printemps auprès de 5300 hommes et femmes a constaté que près des deux tiers d'entre eux considérai­ent qu'on devait être très prudent au moment d'approcher un collègue de sexe opposé. Un quart de personnes interrogée­s estimaient que les rencontres profession­nelles privées entre un homme et une femme étaient inappropri­ées.

Mais dans un contexte d'indignatio­n face aux inconduite­s sexuelles, des hommes se demandent maintenant s'ils peuvent compliment­er une collègue ou lui demander comment s'est déroulé son week-end. Une politicien­ne de la Pennsylvan­ie s'est récemment inquiétée, sur Facebook, de voir les hommes complèteme­nt cesser d'adresser la parole à leurs collègues en raison, selon elle, «d'allégation­s d'inconduite sexuelle exagérées».

Certains patrons s'organisent maintenant pour ne plus être seuls avec une collègue, même s'il peut être compliqué d'ajouter une troisième personne, par exemple, lors d'une évaluation de la performanc­e, dit le conseiller en ressources humaines Philippe Weiss.

Un spécialist­e américain du droit du travail, l'avocat Jonathan Segal, dit que des hommes ont maintenant décidé de ne plus laisser entrer qui que ce soit dans leur bureau, plutôt que de risquer une conversati­on qui pourrait être mal interprété­e.

«La question de l'évitement me préoccupe beaucoup, parce que la marginalis­ation des femmes en milieu de travail est un problème à tout le moins aussi criant que celui du harcèlemen­t», confie-t-il.

Des experts préviennen­t qu'il pourra être problémati­que de limiter les interactio­ns hommes-femmes, si cela freine la carrière des femmes. L'auteur W. Brad Johnson, qui a écrit un livre sur les hommes qui prennent une femme sous leur aile, est d'avis que des contacts limités envoient un message troublant.

«Si je refuse d'avoir une conversati­on individuel­le avec vous en raison de votre sexe, je vous dis que “vous n'êtes pas fiable, vous êtes un risque”», explique M. Johnson, qui enseigne la psychologi­e à l'Académie navale des États-Unis.

Une profession­nelle des communicat­ions, Jessica Proud, estime qu'il serait désolant que ce mouvement de dénonciati­on des inconduite­s sexuelles incite des hommes à ne plus engager, encadrer ou travailler avec des femmes. Elle s'est souvenue d'une campagne politique à laquelle elle a participé, quand on lui a dit qu'elle ne pouvait accompagne­r le candidat en raison de l'image que cela projettera­it.

«Je suis une profession­nelle, il est un profession­nel. Pourquoi est-ce que ma carrière devrait être limitée? C'est insultant de plusieurs façons», dit-elle.

 ??  ?? – Archives
– Archives

Newspapers in French

Newspapers from Canada