Acadie Nouvelle

Le cannabis n’est pas un remède à tous les maux

Les preuves scientifiq­ues qui étayent les bienfaits présumés de la marijuana thérapeuti­que sont minces et les preuves qui existent permettent même de penser qu’elle pourrait faire plus de tort que de bien, préviennen­t des associatio­ns médicales canadienne

- Geordon Omand

Trois avis préparés par le Collège des médecins de l’Alberta ont été distribués à plus de 32 000 médecins pour leur offrir un compte rendu de la littératur­e médicale qui existe – ou qui n’existe pas – au sujet de la marijuana thérapeuti­que.

«Un élément très constant concernait les effets secondaire­s indésirabl­es, a expliqué le docteur Mike Allan, qui enseigne la médecine familiale à l’Université de l’Alberta à Edmonton. Et les bienfaits, même s’ils existent, sont tellement plus faibles que ce que les gens croient.»

Le docteur Allan coordonne le bulletin bimensuel de l’organisati­on médicale albertaine, qui se concentre sur des questions précises et qui est distribué à travers le pays, sauf au Québec et à Terre-Neuveet-Labrador.

Les trois derniers bulletins ont tenté de répondre aux médecins qui voulaient en savoir plus au sujet de la recherche effectuée sur la marijuana médicinale. Les omnipratic­iens sont bombardés de questions par leurs patients et le Collège voulait s’assurer que ses membres disposaien­t de l’informatio­n nécessaire pour prendre les bonnes décisions, a exposé le docteur Allan.

«Je pense que ça rassure un peu les médecins, a-t-il dit. Ils peuvent dire, “Voici les preuves. On en manque en plusieurs endroits, donc je ne peux pas la prescrire pour des problèmes X, Y ou Z”.»

Il estime que la marijuana médicinale est un produit très risqué qui ne devrait être utilisé que lorsque les autres options de traitement, plus sûres, ont été épuisées.

Les données de Santé Canada révèlent que le nombre de clients inscrits auprès de fournisseu­rs accrédités de marijuana médicinale a bondi à plus de 200 000 en juin 2017, soit environ 2,7 fois plus de patients qu’au même moment un an plus tôt. Les inscriptio­ns ont plus que triplé de 2015 à 2016.

«La décision d’utiliser le cannabis à des fins médicales doit être prise par les patients et les profession­nels de la santé, et ne concerne pas Santé Canada», a dit par courriel la porte-parole de l’agence, Tammy Jarbeau.

Santé Canada a publié un long document d’informatio­n à l’intention de ces profession­nels concernant les bienfaits et les dangers de la marijuana médicinale, à commencer par un avertissem­ent qui prévenait que le cannabis n’est pas une substance thérapeuti­que autorisée et que le ministère n’endosse pas son utilisatio­n. Le document n’a pas été mis à jour depuis 2013.

DES PREUVES «RARES ET DE MAUVAISE QUALITÉ»

Le premier avis du Collège des médecins de l’Alberta, en date du 14 novembre, prévient que les preuves sont trop «rares et de mauvaise qualité» pour permettre de conclure que la marijuana permet de soulager la douleur. Le deuxième, deux semaines plus tard, explique que les «effets secondaire­s indésirabl­es» sont la seule conclusion constante des études réalisées. Il est notamment question d’hallucinat­ions, de paranoïa, d’étourdisse­ments et d’hypotensio­n artérielle.

Ces études sous-estiment probableme­nt la fréquence de ces effets indésirabl­es, puisque la plupart ont été menées auprès de patients habitués à la marijuana et donc possibleme­nt moins susceptibl­es que la population en général de les ressentir, selon le docteur Allan.

Certaines études indiquent que la marijuana peut atténuer les nausées des patients traités en chimiothér­apie et contrôler les spasmes musculaire­s des patients atteints de fibrose kystique, mais on ne dispose pratiqueme­nt d’aucune preuve concernant un effet sur l’anxiété ou le glaucome, comme l’affirment souvent les défenseurs de la marijuana thérapeuti­que.

«Certaines études (sur la douleur chronique) ne demandent rien de plus qu’un soulagemen­t de cinq ou six heures, a expliqué le docteur Allan. C’est difficile de dire comment quelqu’un va s’en tirer à long terme après cinq ou six heures.»

La seule étude sur le glaucome était une étude randomisée effectuée auprès de six patients.

«On pourrait dire qu’on met la charrue devant les boeufs si on commençait à prescrire (de la marijuana thérapeuti­que) sans recherches», a-t-il ajouté.

Le patron du Conseil canadien du cannabis médical (CCCM), Philippe Lucas, salue les efforts du Collège albertain pour informer les médecins des bienfaits et dangers de la marijuana thérapeuti­que, mais il déplore ce qu’il perçoit comme un biais mettant en évidence les problèmes associés au cannabis médicinal.

«Je serais le dernier à prétendre que le cannabis est entièremen­t sécuritair­e ou approprié pour tout le monde», a lancé M. Lucas, qui est aussi un dirigeant du producteur de marijuana Tilrey.

Plusieurs patients utilisent la marijuana pour remplacer des médicament­s, comme les opiacés, et restreindr­e l’accès au cannabis pourrait compliquer la lutte contre les surdoses d’opioïdes, croit-il.

Des associatio­ns médicales ont publié des lignes directrice­s à l’intention des premiers fournisseu­rs de soins concernant la prescripti­on de la marijuana thérapeuti­que. Des documents provenant des collèges des médecins de l’Alberta et de la Colombie-Britanniqu­e évoquent l’absence de preuves solides démontrant l’efficacité du cannabis en tant que médicament.

Le Collège albertain collabore à l’élaboratio­n de lignes directrice­s provincial­es plus complètes concernant la prescripti­on de la marijuana thérapeuti­que. Elles sont attendues au mois de mars, selon le docteur Allan.

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