Ottawa doit négocier, pas imposer
Le gouvernement du NouveauBrunswick a choisi de ne pas imposer de taxe directe sur le carbone. Une stratégie que nous n’hésitons pas à qualifier d’électoraliste, ce qui ne signifie toutefois pas qu’elle doive être rejetée d’emblée.
Ottawa exige que les provinces mettent en place une stratégie visant à combattre les changements climatiques. Sinon, il imposera éventuellement sa propre taxe sur le carbone. Elle commencera à 10$ la tonne avant de passer graduellement à 50$ la tonne d’ici 2022.
Cela ferait grimper le prix de l’essence d’environ 11 cents le litre.
Le gouvernement Gallant a plutôt privilégié une autre voie. Il réaffectera une partie de la taxe sur l’essence et sur les carburants dans un nouveau fonds vert.
La ministre de l’Environnement du Canada, Catherine McKenna, n’a pas été impressionnée. Si elle salue la volonté de Fredericton d’investir dans des programmes environnementaux, elle fait remarquer que le plan ne contient pas d’incitatifs qui encourageront les Néo-Brunswickois à réduire leur production de gaz à effets de serre.
Là-dessus, la ministre a raison. Le fier propriétaire d’un Hummer ou d’un RAM 1500 ne cherchera pas du jour au lendemain à se porter acquéreur d’une voiture économique parce que le gouvernement transfère 2,33 cents de la taxe sur chaque litre d’essence (2,76 cents le litre pour le diesel). Sa facture à la pompe ne sera pas plus élevée.
Néanmoins, avant de sortir la matraque et d’imposer sa propre taxe sur le carbone partout dans la province, nous invitons la ministre McKenna à négocier avec ses homologues néo-brunswickois.
En effet, notre province a réalisé des progrès dans la lutte contre les changements climatiques. Plus, en fait, que la majorité des juridictions au Canada.
Le premier ministre Brian Gallant a vanté la semaine dernière le fait que notre province a déjà dépassé les cibles de réductions des gaz à effet de serre pour 2020, en plus d’avoir atteint les objectifs fédéraux prévus dans l’Accord de Paris sur le climat pour 2030.
Aucune autre province au pays n’a accompli autant, a-t-il déclaré en substance.
Il est vrai que cet accomplissement n’est pas le fruit d’une stratégie environnementale bien ficelée. C’est plutôt l’état de l’économie qui est en cause. Les fermetures d’AbitibiBowater et de la centrale thermique de Dalhousie, de la Smurfit-Stone et de la mine Brunswick dans la région Chaleur ainsi que de l’usine UPM de Miramichi, pour ne nommer que celles-ci, sont plutôt les principales responsables.
Le gouvernement provincial n’hésiterait pas une seconde à rouvrir chacune de ces usines et centrales s’il en avait les moyens ou le pouvoir.
Néanmoins, le fait demeure qu’au-delà de la catastrophe que cela a représentée pour des milliers de travailleurs, ces fermetures ont eu un effet bénéfique sur le bilan environnemental. Si elles étaient restées ouvertes, mais que la province avait déposé un plan visant à réduire d’autant l’émission des gaz à effets de serre, le fédéral crierait au génie.
Nous croyons qu’Ottawa doit tenir compte de ces circonstances particulières. L’Alberta a beau avoir annoncé plus tôt cette année qu’elle augmentera sa taxe sur l’essence de 2 cents, celle-ci continuera d’être bien moins élevée que sa contrepartie néobrunswickoise (15,5 cents le litre pour l’essence, 21,5 cents le litre pour le diesel).
Notre province ne doit pas être punie parce qu’elle a pris de l’avance sur les autres, même si cela s’est fait bien involontairement.
Cela ne signifie toutefois pas qu’elle doit avoir carte blanche. Il y a certainement une manière d’améliorer le plan vert afin de s’assurer qu’il ait un plus grand impact sur le comportement des pollueurs, autant les industriels que les automobilistes.
Il faudra aussi voir comment seront dépensés les quelque 37 millions $ qui seront pigés à même la cagnotte de la taxe sur l’essence à compter de 2018. Comme nous l’avons indiqué en éditorial la semaine dernière, nous n’avons pour l’instant pas la moindre idée dans quels projets l’argent sera injecté. C’est ce flou qui fait craindre au chef du Parti vert, David Coon, que ces fonds ne serviront qu’à financer des initiatives déjà existantes, des travaux liés à des catastrophes naturelles ou même le budget général du ministère provincial de l’Environnement.
La bonne nouvelle, c’est que les relations sont excellentes entre Ottawa et Fredericton. Nous invitons les décideurs dans les deux capitales à mettre celles-ci à profit. Ils doivent peaufiner le plan afin qu’il satisfasse les exigences fédérales tout en tenant compte des efforts passés du N.-B., avec pour objectif une économie plus verte.
Plus facile à dire qu’à faire. Mais si tout le monde est de bonne foi, nous pourrons y arriver.