Acadie Nouvelle

Clément Cormier: un géant en Acadie

- Hector J. Cormier

Dans une biographie bien documentée, les historiens Maurice Basque et Marc Robichaud nous présentent un Clément Cormier, qui, selon eux, a peut-être trop souvent parcouru le monde et pas assez l’Acadie dont il n’aurait pas eu l’heure juste. Ou, peut-être, l’avait-il et que cela ne plaisait pas. On lui a beaucoup reproché d’être centralisa­teur, trop monctonien dans sa vision des choses.

Le titre Audacieux et téméraire: le père Clément Cormier, c.s.c. (1910-1987), recteurfon­dateur de l’Université de Moncton révèle deux traits de caractère qui sont présents dans toutes les grandes réalisatio­ns de sa vie.

Jeune Monctonien, il était issu d’un père assez fonceur pour fonder le journal L’Acadien: un père qui osait partager publiqueme­nt des idées soit pour rallier les Acadiens, soit pour faire un contrepoid­s à une majorité anglophone souvent hostile. Malgré tout, il avait une assez bonne connaissan­ce du milieu pour pouvoir louvoyer dans le Moncton très anglophone de l’époque. Son fils héritera de ce sens de la diplomatie.

Clément Cormier, dès ses études au collège Saint-Joseph, profitera des activités propices à développer ses qualités de leader et d’orateur. Il ne faut pas se surprendre qu’il ait écrit dans la revue étudiante. Il faisait des études sérieuses sans que les résultats n’aient été particuliè­rement brillants. Au séminaire des pères de Sainte-Croix à Sainte-Genevièved­e-Pierrefond­s, il était tellement peu entiché du maître des novices, le père Joseph Métivier, qu’il aurait songé à quitter. Si ce n’eut été de son supérieur, Clément Cormier aurait très bien pu ne jamais être associé aux pères de Sainte-Croix. Est-il permis de se demander quelle influence il aurait exercée en Acadie si les choses avaient suivi pareil parcours?

Bourreau de travail, il ne laissait rien à l’improviste. Il avait une vision de l’éducation et voulait, sur la base du collège classique qu’était Saint-Joseph, créer une institutio­n universita­ire à la fois moderne et urbaine. Ses visites ailleurs dans le monde et la notion que se faisait le cardinal Villeneuve relativeme­nt aux institutio­ns de haut-savoir l’ont transformé. Il savait s’entourer des bonnes personnes, surtout celles qui avaient accès aux leviers de commande. Il a eu assez d’influence pour convaincre la congrégati­on de transférer une partie de ses programmes et des effectifs vers Moncton, là où la communauté allait acheter l’ancienne académie du Sacré-Coeur.

Il est évident que si Clément Cormier a pu réussir de tels exploits, c’est qu’il était solidement appuyé par une congrégati­on qui a décidé de faire confiance. Autrement, c’eut été chose impossible. Cette aventure et celle de l’établissem­ent de l’Université de Moncton sur la colline de Sunny Brae présentaie­nt pour les Sainte-Croix un risque énorme: c’était mettre leur avenir en jeu.

Nous devons à Clément Cormier et aux pères de Sainte-Croix une reconnaiss­ance sans bornes. Leur immense contributi­on à l’oeuvre de l’éducation en Acadie fait que nous pouvons compter sur des dizaines de milliers de diplômés qui oeuvrent dans des domaines divers, et, où, dans bien des cas, y font figure de leaders compétents.

Les auteurs de la biographie se gardent bien de vouloir créer autour du personnage d’autres mythes. Clément Cormier connaissai­t les entêtement­s. Il tolérait mal ceux qui ne partageaie­nt pas ses idées. Il pouvait même à l’occasion avoir mauvais caractère. Il favorisait les institutio­ns bilingues. Les leaders acadiens qui voulaient que soient créées deux associatio­ns d’enseignant­s dans la province chapeautée­s par une fédération quelconque se rappellero­nt la semonce qu’il leur a servie. Non seulement leur demandait-il d’enterrer la hache de guerre, il doutait fort de la capacité des Acadiens de mener de tels organismes. Dans toute l’histoire de la division du district scolaire 15 sur une base linguistiq­ue, il ne s’embarqua que quand une étude (Research and Productivi­ty Council) eut démontré clairement que l’entité ne fonctionna­it pas de façon bilingue. Et, alors, il est devenu furieux.

Sa notion d’institutio­ns bilingues n’enlève rien à l’importance de son oeuvre. Mais, l’expérience nous démontre amplement que telles entités sont des foyers d’anglicisat­ion. Ce doit être une chose de planer dans les hautes sphères d’une Commission royale d’enquête sur le bilinguism­e et le bicultural­isme, et une autre d’être méprisé au sein du conseil scolaire no 15 (région de Moncton) où la majorité des membres refusaient le dialogue et où leur seule présence avait pour but d’opposer et de bloquer les aspiration­s légitimes que manifestai­ent les Acadiens.

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La statue du fondateur et premier recteur de l’Université de Moncton, le père Clément Cormier. - Archives

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