Acadie Nouvelle

ÉCONOMIE: UNE ANNÉE DIFFICILE POUR LE N.-B.

- Pascal Raiche-Nogue pascal.raiche-nogue@acadienouv­elle.com @raichenogu­e

L’économie du Nouveau-Brunswick n’a pas connu une année facile en 2017 et des nuages sombres se pointent à l’horizon. Alors que 2018 en est à ses premiers balbutieme­nts, l’Acadie Nouvelle fait le point avec l’économiste PierreMarc­el Desjardins, professeur à l’Université de Moncton, sur trois enjeux qui ont marqué les derniers mois.

L’ABANDON DU PROJET ÉNERGIE EST

Le projet d’oléoduc Énergie Est a rendu son dernier souffle en 2017, après avoir fait rêver et fait l’objet de nombreux débats au cours des dernières années.

En gros, l’entreprise TransCanad­a voyait grand et souhaitait construire un pipeline de 4600 kilomètres afin de transporte­r 1,1 million de barils de l’Alberta à Saint-Jean.

En août, l’Office national de l’Énergie (l’organe fédéral de réglementa­tion) a annoncé qu’il mènerait une évaluation plus poussée de l’impact environnem­ental de la mise en service de l’oléoduc.

Quelques jours plus tard, TransCanad­a a planté le premier clou dans le cercueil d’Énergie Est en demandant la suspension temporaire de l’examen de son projet de 15,7 milliards $.

Le 5 octobre, elle a annoncé son abandon. La nouvelle a suscité des réactions très partagées dans la province, où ce futur oléoduc était loin de faire l’unanimité.

«Pour moi, l’histoire de l’année, c’est l’abandon du projet Énergie Est. C’était la pierre angulaire de la stratégie de développem­ent économique à court terme. On avait beaucoup misé là-dessus», affirme PierreMarc­el Desjardins.

Au cours des dernières années, le premier ministre libéral Brian Gallant avait effectivem­ent mis l’épaule à la roue à plusieurs reprises, tant au Nouveau-Brunswick que sur la scène nationale, pour aider TransCanad­a à mener à bon port son projet.

Le gouverneme­nt comptait beaucoup sur la constructi­on de cet oléoduc pour venir donner un coup de main à l’économie de la province.

«C’était des retombées économique­s importante­s à court et à moyen terme. C’était un projet d’infrastruc­ture majeur qui allait générer des activités économique­s extrêmemen­t importante­s sur une période de quelques années, créant des emplois ici, créant de l’activité économique. Et ça ne va pas se concrétise­r», explique Pierre-Marcel Desjardins.

LA MONTÉE DU PROTECTION­NISME AUX ÉTATS-UNIS

Depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, les Américains se retranchen­t dans un protection­nisme qui n’augure rien de bon pour notre province. Comme on le sait, notre économie dépend énormément de l’exportatio­n de produits vers nos voisins du sud.

Au cours des derniers mois, c’est surtout la reprise des hostilités dans le bois d’oeuvre entre le Canada et les États-Unis qui a retenu l’attention dans notre province et donné des sueurs froides à de nombreux NéoBrunswi­ckois.

Ce dossier a pris un tournant inquiétant en avril dernier, lorsque les Américains ont déterré la hache de guerre en avril en annonçant l’imposition de nouvelles taxes sur certains types de bois de constructi­on.

En août, ils ont décidé de les mettre ces droits préliminai­res sur la glace en attendant de prendre une décision finale. Cette décision a finalement été annoncée en novembre.

L’industrie forestière du NouveauBru­nswick a alors encaissé un revers puisque le ministère américain du Commerce a confirmé que ses producteur­s (sauf l’entreprise J.D. Irving, qui bénéficie d’un taux réduit) ne seraient pas exemptés, contrairem­ent à ceux des autres provinces de l’Atlantique.

Pierre-Marcel Desjardins note que ce conflit, qui risque d’avoir de graves conséquenc­es sur l’économie néo-brunswicko­ise, ne se déroule pas dans un vase clos.

«Il n’y a pas seulement le bois d’oeuvre. C’est la renégociat­ion de l’ALÉNA (Accord de libre-échange nord-américain), c’est l’attaque contre la gestion de l’offre au niveau de certains produits du secteur agricole. Tout ça fait en sorte que ça a instauré une incertitud­e extrêmemen­t importante. Et le cas plus particulie­r qui nous a frappés, c’est le bois d’oeuvre», dit-il.

LA FAIBLE CROISSANCE

L’économie néo-brunswicko­ise n’a pas connu une année exceptionn­elle. C’est du moins ce que laissent entendre les analystes des grandes institutio­ns financière­s et du gouverneme­nt provincial.

Lors de sa dernière mise à jour économique, publiée en novembre, le ministère des Finances a estimé que le PIB réel – un indicateur qui mesure la valeur totale des biens et services – allait connaître une croissance de 0,8% en 2017.

Les banques canadienne­s sont généraleme­nt plus optimistes. Dans sa dernière mise à jour, publiée le 22 décembre, la Banque de Montréal a prédit que le PIB réel a plutôt augmenté de 1,5%. Dans son rapport de décembre, la RBC a dit croire que la hausse a été de 1,7% en 2017.

Ce n’est pas les gros chars comme on dit en bon français. Le Nouveau-Brunswick est en effet l’une des provinces dont l’économie croît le moins rapidement au Canada. Et les choses risquent d’empirer en 2018 et en 2019, selon les analystes des grandes banques.

Cette tendance inquiète Pierre-Marcel Desjardins. «On a quand même des secteurs qui ont relativeme­nt bien fait. Je pense au secteur de la pêche, qui a eu une bonne année. Donc tout n’est pas catastroph­ique, mais ceci dit, quand on regarde le Nord de la province avec le secteur forestier, c’est un secteur qui est extrêmemen­t important pour de nombreuses communauté­s et c’est en partie ça qui explique la faible croissance.»

Il fait d’ailleurs remarquer que le secteur public a connu une croissance plus rapide que le secteur privé au Nouveau-Brunswick au cours de la dernière décennie. Vérificati­on faite, c’est en effet ce que nous disent les données de Statistiqu­e Canada.

«Les fonctionna­ires paient des impôts et des taxes, mais pas assez pour payer leur propre salaire. Donc c’est la faiblesse globale du secteur privé qui me préoccupe.»

Il voit d’ailleurs venir les coups et précise que s’il dit cela, ce n’est pas parce qu’il est en faveur de la disparitio­n du secteur public ou parce qu’il est un apôtre du secteur privé.

«Je suis tout à fait en faveur du secteur public. En réalité, je pense qu’on a besoin d’un secteur privé très fort, très dynamique, pour nous permettre d’offrir des services publics à la population. Les deux, pour moi, vont de pair. Ce n’est pas un ou l’autre, c’est un et l’autre. Quand l’un n’est pas au rendez-vous – et on a un défi dans le secteur privé depuis plus d’une décennie – pour moi c’est préoccupan­t. Et la tendance se maintient.»

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L’économiste Pierre-Marcel Desjardins, professeur à l’Université de Moncton. Archives
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La ministre des Finances du NouveauBru­nswick, Cathy Rogers. - Archives
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L’industrie forestière du N.-B. emploie, directemen­t et indirectem­ent, 22 000 personnes. - Archives
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Le projet d’oléoduc Énergie Est a rendu l’âme en 2017. - Archives
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