Francophonie canadienne: une année marquée de hauts et de bas
La francophonie, en 2017, a vécu quelques boutades: le parlement rejette l’idée de rendre obligatoire le bilinguisme chez les juges de la Cour Suprême, les médias de proximité en milieux minoritaires tentent de survivre dans un contexte où le gouvernement prône le numérique et les fonctionnaires au fédéral boudent le français.
Sans tambour ni trompette, il y a tout de même eu quelques bonnes nouvelles. Les données de l’immigration de francophones au pays sont en hausse. Les programmes d’immersion sont de plus en plus populaires, ayant une incidence positive sur le nombre de Canadiens maitrisant les deux langues. Dans les provinces, l’accès à l’éducation de langue française a connu quelques avancées décisives.
Portrait d’une année qui a commencé avec la nomination avortée d’une nouvelle Commissaire aux langues officielles et qui se termine avec une capitale nationale maintenant officiellement bilingue.
LA FRANCOPHONIE PLURIELLE DU CANADA
En 2017, Statistique Canada a dévoilé les données du recensement de 2016. Le recensement montrait que deux processus majeurs sont à l’oeuvre dans les francophonies minoritaires: la dénatalité et le vieillissement.
Les communautés francophones misent sur l’immigration pour renverser la tendance. La part des immigrants francophones est d’ailleurs en hausse de 2,9% en dix ans. Hors Québec, le nombre d’immigrants ayant déclaré avoir le français comme langue maternelle a timidement progressé, passant de 1,3% sur la période 2001-2010 à 1,4% sur 2011-2016.
Les nouveaux venus se tournent de plus en plus vers les Prairies, surtout en Alberta, et la population africaine connaît la plus forte progression.
Pour le fédéral, les objectifs d’immigration francophone sont encore loin d’être atteints. Le gouvernement s’était engagé à accueillir hors Québec 4,4% de nouveaux arrivants francophones, mais depuis dix ans, le taux stagne à 1,5%. En 2016, la Conférence ministérielle sur la francophonie canadienne avait même établi avec Ottawa une nouvelle cible nationale de 5%.
LE RECENSEMENT ET L’ÉDUCATION
Le recensement met en évidence une bonne nouvelle pour la transmission du français: malgré la dénatalité, le nombre d’enfants de moins de 15 ans francophones, en diminution depuis des décennies, s’est finalement stabilisé depuis 2011. Cette réussite pourrait être attribuée à l’éducation française qui recrute les enfants de plus en plus tôt.
Est-ce le fait des écoles d’immersion? Chaque médaille ayant son revers, la popularité de celles-ci constitue un manque à gagner pour les conseils scolaires francophones qui perdent des élèves face au succès de l’immersion.
«C’est aussi une perte pour la vitalité de la communauté francophone», estime Roger Paul, directeur général de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones.
D’ailleurs, la Fédération des communautés francophones et acadienne (FCFA) milite pour l’ajout de deux questions au formulaire du recensement qui pourraient avoir une incidence à long terme sur ces données: «Dans quelles langues avez-vous reçu votre éducation» et «Dans quelles langues vos parents ont-ils reçu leur éducation».
Les données issues de ces questions permettraient d’évaluer le nombre d’ayants droit, et ainsi mesurer le nombre de personnes pouvant profiter des réseaux d’éducation de langue française. Jusqu’à présent, seuls les parents dont la langue maternelle est le français sont comptés. Faute de données sur les anglophones qui ont fréquenté des écoles primaires de langue française – aussi ayants droit –, un flou existe au niveau de la planification et de l’évaluation des besoins dans les écoles de langue française.
INSÉCURITÉ DANS LES MÉDIAS
De consultations en recommandations, la ministre Mélanie Joly insiste pour préciser que de l’aide financière pourrait être offerte aux journaux qui explorent «de nouveaux modèles d’affaires». Cette position bien campée a incité plusieurs intervenants du secteur des médias communautaires ou de proximité à intervenir et à formuler des recommandations.
Il est déjà minuit moins 5: plusieurs médias vivent un manque de ressources qu’il leur est impossible de concevoir ou de mettre en oeuvre un plan de transition vers le numérique. Dernière radio en date à avoir coupé ses micros: CKRP à Falher/Rivière-la-Paix, en Alberta, le 20 novembre.
Parmi les problèmes, dans certaines régions, l’internet à haute vitesse n’est pas encore disponible.
Certains s’inquiètent de savoir si les médias communautaires pourront bénéficier ou non d’une augmentation du financement dans le prochain plan d’action pour les langues officielles, qui doit être en oeuvre de 2018 à 2023.