Acadie Nouvelle

Nos université­s jouent gros

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Alors que s’éternisent les négociatio­ns entre le gouverneme­nt du NouveauBru­nswick et les quatre université­s publiques de la province, il n’est pas inutile de rappeler l’importance de l’exercice en cours. Plus qu’une question de subvention­s, c’est l’indépendan­ce de nos université­s qui est en jeu.

Officielle­ment, le gouverneme­nt du premier ministre Brian Gallant souhaite rendre l’éducation plus accessible et plus abordable, tant pour les étudiants que pour les contribuab­les. C’est ce qu’il répète depuis 2015.

Cette année-là, Fredericto­n avait laissé tomber une bombe en déclarant souhaiter financer les université­s publiques à la hauteur de leurs performanc­es.

Celles-ci criaient famine. Le gouverneme­nt se dit ouvert à l’idée d’augmenter son financemen­t, mais à certaines conditions.

Dans son budget 2017-2018, il a promis d’investir 45 millions $ supplément­aires, à condition que des objectifs soient atteints. Parmi ceux-ci, l’obligation des représenta­nts des quatre université­s de comparaîtr­e annuelleme­nt devant l’Assemblée législativ­e. De plus, les université­s doivent s’engager à prévoir leurs droits de scolarité sur quatre ans. Ainsi donc, un nouvel étudiant saurait exactement, avant même sa première journée de classe, combien lui coûtera son baccalauré­at.

Les négociatio­ns ne progressen­t pas aussi rapidement que prévu. Près d’un an depuis le dépôt du budget, rien n’a été signé. Il faut dire que Fredericto­n exige beaucoup et offre bien peu en retour. La hausse proposée de 45 millions $ sur quatre ans, que se partagerai­ent les quatre université­s, est tout sauf suffisante, spécialeme­nt après deux années de gel.

L’Acadie Nouvelle a contacté l’Université du Nouveau-Brunswick, l’Université Mount Allison, l’Université St. Thomas et l’Université de Moncton afin de savoir comment se déroulaien­t les négociatio­ns. UNB et Mount Allison, en particulie­r, semblent près de signer une entente.

Impossible toutefois de savoir ce qu’il en est avec l’Université de Moncton, qui a refusé notre demande d’interview. Il n’y a rien là de surprenant, son service de communicat­ion étant plus proche de celui de l’ancienne Union soviétique que de celui d’une organisati­on moderne, branchée et transparen­te. Son réflexe premier est toujours de se replier et d’en dire le moins possible. Encore plus quand l’enjeu est grand.

Avec un recteur qui a quitté le navire pour devenir commissair­e aux langues officielle­s du Canada, il y a lieu de s’interroger sur le pouvoir de négociatio­n de la plus importante institutio­n acadienne.

Le gouverneme­nt Gallant a montré qu’il est prêt à jouer dur, financière­ment, pour obtenir ce qu’il veut. C’est sans compter que nous ne savons pas avec exactitude quels sont ses véritables objectifs dans ce dossier, au-delà de la ligne officielle du parti (des études accessible­s et abordables).

Même s’il ne le dit pas de façon aussi directe, il est évident que le gouverneme­nt veut avoir, pour des raisons qu’il n’a jamais vraiment expliquées, un plus grand mot à dire sur la gestion des université­s. Il veut mieux les contrôler, ce qui ne plait évidemment pas à celles-ci.

Il n’y a rien de mal d’exiger des recteurs qu’ils comparaiss­ent une fois l’an devant un comité de députés, comme le font les dirigeants des sociétés de la Couronne. Après tout, une bonne partie des dépenses des institutio­ns qu’ils dirigent sont financées par les contribuab­les. Un peu de transparen­ce ne leur fera pas de tort, particuliè­rement à l’Université de Moncton, où ce n’est pas dans les habitudes de la maison de rendre des comptes.

Par contre, cela devient plus inquiétant quand le premier ministre laisse supposer que les université­s qui ne signeront pas d’entente pourraient potentiell­ement se voir privées de la hausse promise de subvention­s.

Et cela devient franchemen­t préoccupan­t quand on laisse flotter l’idée que la nouvelle formule de financemen­t pourrait être basée sur le rendement.

La seule université acadienne du NouveauBru­nswick pourrait donc, hypothétiq­uement, voir son financemen­t décroître si elle n’atteint pas les objectifs fixés par le gouverneme­nt (taux de diplomatio­n, diplômes conformes aux attentes de l’industrie, etc).

Le fait que les représenta­nts universita­ires (du côté anglophone) tiennent pour le moment un discours qui n’est pas alarmiste laisse croire qu’ils ont confiance que la province abandonner­a certaines de ses demandes les plus controvers­ées, si ce n’est déjà fait.

Il n’est pas impossible non plus qu’elles tentent d’étirer les négociatio­ns afin de jouir d’un meilleur pouvoir de négociatio­n à mesure qu’approchero­nt les élections provincial­es, cet automne.

Difficile à dire tant ce dossier pourtant si important manque de transparen­ce. Pour un gouverneme­nt qui exige plus d’imputabili­té de la part des université­s, la moindre des choses serait de nous dire où les négociatio­ns bloquent et d’être moins opaque.

Étant donné l’importance cruciale de nos institutio­ns postsecond­aires, particuliè­rement en Acadie, ces négociatio­ns doivent se dérouler dans un cadre beaucoup plus public, plutôt que de se faire en coulisses comme c’est présenteme­nt le cas.

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