La sénatrice Lynn Beyak s’attaque au leadership d’Andrew Scheer
La sénatrice Lynn Beyak attaque sans ménagement le leadership du chef conservateur Andrew Scheer, l’accuse d’avoir menti et lui reproche d’avoir craqué sous la pression des médias – qu’elle attaque aussi au passage – en l’excluant du caucus du parti.
Dans un communiqué publié lundi, elle nie catégoriquement la version des faits offerte par le leadership du parti, qui a expliqué jeudi dernier avoir expulsé Lynn Beyak après avoir demandé à cette dernière de retirer de son site web des propos que le chef Scheer a qualifiés de «racistes».
Ces commentaires figurent dans quelques-unes des dizaines de «lettres d’appui» dans lesquelles certains des auteurs publiés se rangent derrière les positions de la sénatrice sur les questions autochtones, en particulier en ce qui concerne le système de pensionnats autochtones.
La sénatrice ontarienne, qui siégera comme indépendante à la chambre haute lorsque les travaux parlementaires reprendront, assure que «jamais, à aucun moment», elle ou un de ses employés n’a parlé à Andrew Scheer ou à quelqu’un de son bureau.
Elle accuse ensuite le chef conservateur d’être tombé dans un piège tendu par les médias qui ont rapporté la présence de ces messages, attribuant cette erreur à l’inexpérience et au climat actuel de «rectitude politique».
Les médias «devraient être concentrés sur les violations éthiques de Justin Trudeau et les liens allégués entre Joshua Boyle et la famille Khadr (...)», mais ils ont plutôt ressorti «de vieilles lettres» pour «appâter le leadership de l’opposition officielle», peste-t-elle.
Et l’équipe d’Andrew Scheer a mordu, regrette la sénatrice Beyak, remettant en question au passage la légitimité du chef élu avec 50,95% des voix en mai dernier, coiffant au poteau le candidat sur lequel elle avait misé, soit Maxime Bernier.
«Un tel stratagème n’aurait pas fonctionné avec un bon leader, mais quand un leader inexpérimenté gagne par une mince marge et ne tient pas compte des autres points de vue, la sagesse et le bon sens se perdent», a-t-elle soutenu.
La sénatrice conclut sa déclaration en promettant de continuer à défendre la liberté d’expression en tant qu’indépendante à la chambre haute. Elle affirme qu’il est de son «devoir», son «rôle» et son «grand privilège» de se faire la porte-voix de «tant de Canadiens sages».
L’expulsion de Lynn Beyak avait été réclamée l’an dernier après qu’elle eut d’abord affirmé qu’il y avait de bonnes intentions derrière le système de pensionnats autochtones, puis suggéré dans une lettre ouverte que les Autochtones n’étaient pas des citoyens canadiens.
Pendant son année passée sous les projecteurs médiatiques, en 2017, la sénatrice n’a jamais rectifié ses déclarations, a accusé les médias de désinformation et a toujours martelé qu’elle était à la chambre haute pour y rester. Elle a bénéficié de l’appui de certains de ses collègues.
La lenteur du chef Scheer à poser un geste a été soulevée par des libéraux sur les réseaux sociaux dès l’annonce de l’exclusion de Lynn Beyak, qui a été annoncée par voie de communiqué tard jeudi soir dernier.
Au bureau du leader de l’opposition officielle, on n’a pas voulu répondre aux allégations de la sénatrice, lundi. Le porte-parole Jake Enwright s’est contenté d’affirmer que la déclaration publiée jeudi dernier tenait toujours.
Dans ce communiqué, Andrew Scheer citait, pour justifier l’expulsion de la sénatrice, l’une des lettres où il était écrit que «toutes les cultures opportunistes, chasseurs/cueilleurs (sic) de subsistance, essaient de trouver tous les moyens de s’en tirer sans aucun effort».
«J’ai demandé à la sénatrice de retirer ce contenu de son site web. Elle a refusé. En raison de ses actions, Larry Smith, leader conservateur au Sénat et moi avons exclu la sénatrice Lynn Beyak du caucus conservateur», avait-il déclaré.
Le bureau du chef n’a pas voulu dire comment cette demande avait été faite, préciser qui l’avait faite ou confirmer qu’elle s’était bien rendue à la destinataire. Celle-ci dit avoir appris son exclusion du caucus «en lisant la déclaration d’Andrew Scheer le jeudi 4 janvier 2018».
Au moment de publier ces lignes, lundi, le contenu controversé était toujours en ligne sur la page sénatoriale personnelle de la sénatrice Beyak.
Deux ministres, Carolyn Bennett (Relations Couronne-Autochtones) et Jane Philpott (Services aux Autochtones), ont prié MM. Scheer et Smith de faire pression au Sénat afin que soient retirés ces documents «contenant de la désinformation ainsi que des stéréotypes racistes».
«Les ressources gouvernementales ne devraient jamais être utilisées pour promouvoir la haine et la division. Ces commentaires offensants, qui sont hébergés sur le site officiel du Sénat du Canada, pourraient être vus comme étant endossés par le Parlement», notent les ministres.
«En tant que parlementaires, nous sommes certaines que vous partagez notre profonde déception qu’un membre du Sénat utilise les ressources parlementaires pour propager la désinformation et des préjugés contre les peuples autochtones», écrivent-elles.