Une tragédie qui a bouleversé les sports interscolaires
NDLR: L’Acadie Nouvelle vous présente aujourd’hui et demain une série de textes afin de souligner le 10e anniversaire de la tragédie des Boys in Red, qui a fauché huit vies le 12 janvier 2008. Nous nous intéressons d’abord aux conséquences qu’a eues cet accident sur le transport d’équipes sportives interscolaires dans la province. Dans notre édition de vendredi, nous vous présenterons des témoignages de proches des victimes et de personnes ayant vécu de près ce drame. Le monde des sports interscolaires néobrunswickois a été profondément marqué par la tragédie des Boys in Red. ix ans plus tard, les intervenants ne sont pas près d’oublier cet accident, dont les conséquences sont encore visibles dans leur milieu.
Le 12 janvier 2008, peu après minuit, les Phantoms de l’école Bathurst High étaient à quelques minutes de leur destination lorsque la fourgonnette dans laquelle ils prenaient place a dérapé sur la chaussée verglacée et heurté un poids lourd qui circulait dans la voie inverse.
L’horrible accident, survenu alors que l’équipe de basketball revenait d’un match disputé à Moncton, a coûté la vie à sept joueurs et à l’épouse de leur entraîneur.
Au cours des mois suivants, grâce à divers rapports, on en a appris davantage sur ce qui s’est passé ce soir-là sur la route 8, près de Bathurst. État discutable du véhicule, usure des pneus, conditions routières difficiles; plusieurs facteurs ont été pointés du doigt.
Dans le milieu des sports interscolaires, ce drame a provoqué une prise de conscience sur la sécurité du transport des jeunes athlètes. Il a aussi poussé le gouvernement provincial à adopter de nouvelles politiques afin de mieux encadrer cet aspect de la vie parascolaire.
«ON NE PREND PAS DE CHANCE»
Le responsable des sports et enseignant d’éducation physique à l’école L’Odyssée de Moncton, Neal Couture, a commencé sa carrière d’enseignant lors de la rentrée 2008, quelques mois à peine après la tragédie.
Au cours des années suivantes, il a assisté à l’évolution des pratiques et des façons de faire. Aujourd’hui, bien moins de choses sont laissées au hasard qu’il y a dix ans, selon lui. «On ne prend pas de chance.»
En entrevue, il raconte que lui et ses collègues doivent décider ces jours-ci si l’équipe de basketball féminin de L’Odyssée se rendra à Bathurst ce weekend pour le tournoi annuel des Phantoms.
«Ils annoncent de la neige samedi. Ça fait que là, on doit voir. On discute avec la direction de l’école. L’organisateur nous a déjà envoyé de quoi la météo aura l’air. Il y a beaucoup plus de communication.»
Cette façon de s’y prendre est bien différente de celle qui était courante dans les écoles avant la tragédie des Boys in Red.
«Avant, on aurait peut-être quitté un peu plus tôt parce qu’il y a de la neige et essayé de prendre notre temps. Aujourd’hui, je trouve qu’il y a vraiment le sentiment de se dire “sais-tu quoi, ça ne vaut pas la peine, on le repoussera à la semaine prochaine.” Il y a une grande flexibilité au niveau des horaires quand ça vient à la sécurité.»
Andy Clark, qui est aujourd’hui le directeur de la Hartland Community School et le président de l’Association sportive interscolaire du N.-B., abonde dans le même sens.
Impliqué de près dans le milieu depuis deux décennies, il a été aux premières loges des changements majeurs qui se sont opérés.
Avant le drame du 12 janvier 2008, il n’était pas rare de voir des entraîneurs prendre la route très tard le soir ou lorsque les conditions météorologiques se détérioraient.
VIGILANCE, PRUDENCE ET COMMUNICATION
Aujourd’hui, dix ans après l’horreur du 12 janvier 2018, les responsables des sports interscolaires demeurent sur leurs gardes. Personne n’a oublié comment huit vies ont été fauchées ce soir-là près de Bathurst.
Andy Clark affirme que les intervenants du secteur n’hésitent plus pour annuler une partie ou même un entraînement dès que les conditions météorologiques se détériorent.
«Les écoles sont beaucoup plus vigilantes lorsque des mauvaises conditions approchent», assure-t-il.
Il note également que les entraîneurs et la direction communiquent beaucoup mieux qu’avant.
«C’est une bonne chose. On est très conscients d’où sont nos équipes. Les entraîneurs ont notre numéro de téléphone cellulaire. On est en contact avec eux pour voir si c’est sécuritaire de partir. Hier, un entraîneur m’a texté pour voir s’il pouvait organiser sa pratique, parce qu’on attendait un peu de neige. Ils pensent toujours à ça, même 10 ans après les faits.»
INSPECTIONS ET PNEUS D’HIVER: L’ÉTAT DES VÉHICULES SURVEILLÉ DE PRÈS
L’annulation de parties et de pratiques est désormais pas mal plus commune qu’avant. Mais c’est loin d’être le seul changement découlant de l’accident qui a ébranlé le Nouveau-Brunswick en 2008.
L’état des véhicules utilisés par le transport des athlètes est suivi plus près qu’avant. Les politiques adoptées par le gouvernement provincial en 2009 prévoient notamment des inspections deux fois par année et l’obligation de faire installer des pneus d’hiver.
Le chef du département d’éducation physique à la Cité des jeunes A.-M. Sormany, Marco Boucher, raconte que les choses ne se passaient pas ainsi il y a une décennie.
«Au niveau de l’inspection, ça a changé beaucoup. Avant, c’était inspecté plus ou moins. (...) On entrait la fourgonnette ici, dans le cours de mécanique. Et c’est le cours de mécanique qui s’occupait de faire l’entretien des autobus 15 passagers et même de l’autobus de 21 passagers.»
La gérante de l’équipe de hockey des Acadiens de la polyvalente LouisMailloux de Caraquet, Josiane Lambert David, croit pour sa part que l’histoire des Boys in Red (et les politiques adoptées par la suite) ont eu des conséquences sur l’organisation et l’encadrement du transport des athlètes.
«Les écoles font probablement plus attention à l’inspection des autobus, pour s’assurer que les pneus d’hiver sont mis assez tôt.»
Cette gérante, qui est aussi enseignante à la polyvalente Louis-Mailloux, confie que la tragédie de 2008 n’est jamais bien loin dans l’esprit des gens de la région impliqués dans les sports interscolaires.
«C’était près de chez nous. (...) C’est sûr que ça marque l’esprit. On ne prend jamais de chances de placer les joueurs dans cette situation-là, parce qu’on ne veut vraiment pas que ça arrive de nouveau.»
«Avant cela, la plupart des équipes disaient “on est au Canada, on va revenir à la maison”. Je pense que c’était commun à l’époque. Ça arrivait souvent. Les équipes revenaient à la maison (le soir même). Malheureusement, il y a eu l’accident de Bathurst. Ça a braqué les projecteurs sur la sécurité.»