Acadie Nouvelle

Papier: les mesures inquiètent au Canada et aux États-Unis

La décision de l’administra­tion Trump d’imposer des mesures punitives sur les importatio­ns canadienne­s de papier journal et de papiers d’impression suscite de la grogne des deux côtés de la frontière, où l’on s’inquiète pour l’avenir de milliers d’emplois

- Julien Arsenault La Presse canadienne

Critiquée de façon unanime par les trois ordres de gouverneme­nt au pays, les syndicats et l’industrie, les tarifs préliminai­res oscillant entre 0,65 et 9,93% annoncés par le départemen­t américain du Commerce touchent environ 25 usines canadienne­s, la plupart situées au Québec ainsi qu’en Ontario.

Selon le gouverneme­nt Couillard, ce nouveau litige commercial concerne 10 usines québécoise­s de Produits forestiers Résolu, Kruger et Papiers White Birch, qui comptent quelque 2000 employés. «Nous allons être très chanceux si l’on peut maintenir le statu quo en ce qui a trait aux mises à pied, s’est désolé le directeur québécois du syndicat Unifor, Renaud Gagné, mercredi au cours d’une entrevue téléphoniq­ue. Il faudra peut-être vivre avec des usines qui cesseront leurs activités pendant quelques semaines de temps à autre.»

Contrairem­ent à l’industrie du bois d’oeuvre, qui a pu compter sur une progressio­n de la demande américaine pour garder la tête hors de l’eau malgré des tarifs douaniers, les perspectiv­es ne sont pas aussi bonnes pour le papier d’impression, estime le syndicat, qui représente des travailleu­rs chez Résolu, Kruger et White Birch.

On craint également le pire au sud de la frontière, où les journaux et autres publicatio­ns imprimées fournissen­t du travail à quelque 175 000 Américains. «Ces tarifs ne pourront pas être absorbés par les éditeurs et imprimeurs, s’inquiète la News Media Alliance, qui représente 1100 journaux américains. Cela va forcer (des entreprise­s) à réduire leurs coûts et se traduira par davantage de pertes d’emplois.»

L’automne dernier, cet organisme avait effectué une sortie publique pour critiquer la plainte déposée par la North Pacific Paper Company (Norpac), qui exploite une usine d’environ 260 travailleu­rs dans l’État de Washington.

Plus important producteur nord-américain de papier journal, Résolu s’attend également à ce que des milliers d’emplois soient menacés au sud de la frontière.

Son porte-parole, Seth Kursman, estime qu’une hausse des prix du papier ne fera qu’accélérer le phénomène de la transition numérique, ce qui, à son avis, n’est pas de bon augure pour plusieurs travailleu­rs américains.

«Au total, l’industrie des journaux et le secteur de l’impression commercial­e comptent près de 600 000 personnes», a-til expliqué lors d’un entretien téléphoniq­ue.

À l’instar d’Ottawa, le gouverneme­nt Couillard s’est montré très déçu de ce troisième litige commercial canado-américain, après ceux du papier surcalendr­é en 2015 et du bois d’oeuvre l’an dernier, qui concerne l’industrie forestière.

Même si le départemen­t du Commerce a jusqu’ici toujours tranché en faveur de la partie américaine dans ses décisions finales, la ministre de l’Économie, Dominique Anglade, a indiqué, depuis Las Vegas, que Québec allait déployer tous les efforts dans l’espoir de faire annuler les droits compensato­ires préliminai­res.

«Le programme d’aide que nous avons mis de l’avant pour le bois d’oeuvre sera élargi aux papiers d’impression et nous serons présents pour répondre aux besoins de liquidités pour éviter des pertes d’emplois», a-t-elle dit au cours d’une entrevue téléphoniq­ue.

Le gouverneme­nt Couillard a également décidé d’élargir le mandat de Raymond Chrétien, négociateu­r en chef dans le dossier du bois d’oeuvre, afin d’inclure le plus récent litige.

NIVELER LE TERRAIN DE JEU

Selon le départemen­t du Commerce, les Canadiens ont exporté aux États-Unis pour environ 1,6 milliard $ de papier journal en 2016.

Dans sa plainte, Norpac, qui appartient à One Rock Capital Partners, un fonds de couverture new-yorkais, reprenait les mêmes arguments avancés dans le dossier du bois d’oeuvre: les papeteries canadienne­s feraient du dumping en vendant aux États-Unis le papier journal à un prix inférieur à la valeur du marché, et Ottawa subvention­nerait de façon déloyale son industrie forestière.

«Une seule papetière américaine lève le doigt et on nous impose des droits punitifs, c’est ce qui est difficile à comprendre», a souligné M. Gagné.

Le départemen­t du Commerce a justifié sa décision en affirmant qu’elle allait mettre fin aux perturbati­ons du marché provoquées par des subvention­s gouverneme­ntales indues, a estimé le secrétaire au Commerce, Wilbur Ross.

«(Nous) allons continuer à évaluer le dossier tout en nous tenant debout pour les entreprise­s américaine­s ainsi que les travailleu­rs», a-t-il fait valoir, par voie de communiqué.

Une autre décision entourant les droits antidumpin­g est attendue en mars tandis que la Commission américaine internatio­nale pour le commerce (USITC) sera appelée à trancher dans le dossier en août.

Le dirigeant de Norpac, Craig Anneberg, a estimé que les droits compensato­ires préliminai­res ne se traduiraie­nt que par une hausse de 5% des coûts pour les journaux américains. À son avis, il s’agit d’un «faible prix à payer pour maintenir des emplois manufactur­iers» dans les États de Washington, du Mississipp­i et de la Géorgie.

Ottawa et Washington tentent toujours de renégocier l’accord commercial sur le bois d’oeuvre pour remplacer une entente qui a expiré en 2015. Le Canada conteste aussi les droits compensato­ires américains sur le bois d’oeuvre en vertu de l’Accord de libre-échange nord-américain et devant l’Organisati­on mondiale du commerce.

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