La SANB est-elle fichue? Pas encore
Dans sa chronique de lundi, Pascal RaicheNogue a posé une question très importante qui m’habite depuis un certain temps.
Depuis mon entrée en fonction à titre de président par intérim à la SANB, la question de savoir si l’organisme pour lequel je travaille serait voué à l’échec me paraît d’une importance primordiale: d’abord pour des raisons personnelles évidentes, mais surtout en raison de ma forte conviction dans l’importance de la SANB et dans les valeurs qu’elle incarne.
Permettez-moi d’avouer que je ne suis pas naïf au point de croire que tous ne partagent ni mes convictions ni mon optimisme à l’égard de la SANB. D’ailleurs, ce fait est d’autant plus clair à la lumière de cette dernière chronique de Monsieur Raiche-Nogue.
Premièrement, je ne peux pas dire que j’ai été particulièrement surpris par la parution de cette chronique. Découragé, oui. Démoralisé, un peu quand même. Mais surpris, aucunement. En effet, c’est le rôle de tout journaliste (ou chroniqueur) sérieux de jeter un oeil critique sur tout aspect de notre société, surtout sur les institutions financées par le denier public. D’ailleurs, en tant qu’organisme porte-parole, la SANB doit être tenue aux plus hauts des standards, et ce, par l’entremise d’une presse écrite robuste.
Cela dit, étant donné que M. RaicheNogue semble remettre en question l’avenir et la légitimité même de la SANB, je serai donc très franc: comme n’importe quel organisme qui oeuvre depuis près de 50 ans, la SANB a connu des hauts et des bas. Elle a connu des heures de gloire et des périodes difficiles. Bien que je ne sois pas en mesure de parler au nom des conseils et des équipes qui nous ont précédés, je pense que pendant longtemps la SANB avait perdu de vue sa mission de promouvoir et de défendre les intérêts des Acadiennes et des Acadiens en matière de langues officielles sur le territoire du Nouveau-Brunswick.
Ce désillusionnement a été le résultat, entre autres, de conflits internes qui ont largement, et à juste titre, fait l’objet de nombreuses critiques médiatiques. Je vous en épargnerai donc les détails. Toutefois, je pense qu’il est important de souligner que la SANB comprend pleinement l’impact qu’a eu cette crise sur l’organisme. Elle en vit les répercussions de façon quotidienne. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle la SANB a dû se doter d’une toute nouvelle équipe, ainsi que d’une nouvelle structure de gouvernance dans l’espoir de se remettre sur les rails et de surmonter la paralysie soulevée par M. RaicheNogue.
Je ne cacherai pas que la SANB a toujours du chemin à faire si elle espère réaliser son mandat à son plein potentiel. À cet égard, je partage même certaines des préoccupations de M. Raiche-Nogue. Cependant, si la SANB peine à reprendre son ampleur d’autrefois, c’est à cause de facteurs bien plus complexe que ce à quoi M. Raiche-Nogue fait allusion dans sa chronique.
D’abord, en 2018, nous en sommes rendus à une croisée des chemins quant à la question des langues officielles. Dans le cas du Nouveau-Brunswick, ceci engendre mille et une questions, les unes plus complexes que les autres. Par exemple, quel rôle devrait jouer le premier ministre provincial sur le dossier des langues officielles? Comment devonsnous réagir face à un gouvernement qui promeut un modèle de gouvernance de plus en plus clientéliste au détriment des intérêts de la communauté acadienne? Dans un contexte où l’on épuise rapidement la voie juridique en matière de revendication de nos droits linguistiques, quelles avenues nous reste-t-il pour faire avancer la cause acadienne? Que représente cette fameuse «cause acadienne» en 2018? Comment fait-on pour renouveler l’action politique de terrain dans une province où le bipartisme de façade régnant tient pour acquis le vote acadien? Malgré nos efforts, il nous reste toujours plus de questions que de réponses. Toutefois, je pense que ces questions méritent d’être posées.
Un autre obstacle auquel nous sommes malheureusement confrontés est la nécessité de se défendre contre un milieu journalistique largement négatif à l’égard de notre organisme; un milieu journalistique indifférent à nos réalisations, aussi graduelles qu’elles soient, et indigné par notre moindre gaffe. D’ailleurs, ce cynisme journalistique n’est pas uniquement réservé à notre organisme: il est le résultat d’un phénomène plus large à l’oeuvre au sein de notre société devenue consommatrice vorace de négativité et de scandale. Malheureusement, notre seul quotidien indépendant francophone au Nouveau-Brunswick n’est pas à l’abri de ces tendances journalistiques mondiales qui ne servent qu’à miner la cohésion sociale.
Bref, j’ai l’impression qu’on manque un peu de perspective, autant au sein du milieu journalistique qu’au sein de notre organisme. Nous parlons souvent de la SANB comme si elle était une structure monolithique, capable de se prononcer sur tout dossier en tout temps. Malheureusement, cela n’est pas le cas. La simple réalité est que l’équipe de la SANB est actuellement composée de cinq individus. Notre conseil d’administration est composé de sept bénévoles et du plus jeune président par intérim de notre histoire. Nous faisons face à des difficultés multiples et complexes. Nous sommes un organisme en reconstruction qui ne saura jamais plaire à tous. Néanmoins, nous sommes toujours là, propulsés par la conviction que nous avons encore une réelle contribution à apporter à l’épanouissement de la culture acadienne sur le territoire néo-brunswickois.
Sur ce, j’aimerais terminer en disant qu’une culture n’a aucune valeur inhérente. Sa seule valeur est celle qu’on est collectivement prêt à lui accorder. Ceci est également vrai de la SANB. Bien que cette nouvelle incarnation de la SANB ait toujours des preuves à faire, je pense que notre organisme se trouve dans une position de plus en plus solide, avec une équipe dynamique et passionnée par l’idée de pouvoir apporter sa contribution à l’avancement du bien collectif. Personnellement, je commence cette nouvelle année avec optimisme et enthousiasme, car je crois fermement au potentiel infini de la nation acadienne.
Certes, il nous reste encore du travail à faire. Mais la SANB est-elle fichue, M. Raiche-Nogue?
Pas encore.