Acadie Nouvelle

AU GRAND ÉCRAN: UNE GRANDE OEUVRE ET SA CONTROVERS­E

Avant même d’avoir été lancé en salle, le plus récent film du grand Ridley Scott était frappé d’une immense controvers­e. Ce qu’il faut toutefois retenir, c’est que Tout l’argent du monde est une grande oeuvre. Un film qui rend hommage au cinéma des année

- patrice.cote@acadienouv­elle.com

D’abord, la controvers­e. Après le tournage et le montage du film, Scott et ses acolytes ont réalisé qu’ils avaient sous la main un film qui pourrait attirer l’attention de l’Académie.

Une grande campagne de publicité a alors été prévue afin de mousser la candidatur­e d’un des acteurs pour l’Oscar du meilleur comédien dans un rôle secondaire. Le nom de l’acteur? Kevin Spacey. Or, en octobre, Spacey s’est retrouvé au coeur d’une vaste campagne de dénonciati­on dans laquelle il a été accusé publiqueme­nt de harcèlemen­t sexuel, d’agression sexuelle et de tentative de viol.

Craignant que le public boude son oeuvre en guise de représaill­es, Scott a choisi de retourner presque toutes les scènes dans lesquelles Spacey apparaissa­it.

C’est le Canadien Christophe­r Plummer qui a été choisi pour remplacer Spacey au pied levé. Les nouvelles séances de tournage se sont espacées sur neuf jours - une durée extrêmemen­t courte. Certains médias rapportent que Mark Wahlberg, qui donne la réplique à Plummer dans deux scènes clés, aurait été payé pas moins de 2 millions $ pour le désagrémen­t!

UN CHICHE MILLIARDAI­RE

«Inspiré d’événements réels», Tout l’argent

du monde raconte l’histoire du magnat du pétrole J. Paul Getty (Plummer).

En 1973, Getty est considéré comme l’homme le plus riche de l’histoire de l’humanité. Mais quand son petit-fils Paul est kidnappé par des mafieux calabrais, Getty refuse de payer la rançon de 17 millions $.

Il en revient donc à la mère de Paul - l’exbelle-fille de Getty, Gail Harris (Williams) - de négocier avec les ravisseurs afin de récupérer son fils.

Mais même avec l’aide d’un ancien agent de la CIA (Wahlberg) mandaté par le milliardai­re, la tâche est loin d’être facile pour Gail. Malgré ses efforts pour faire diminuer le montant de la rançon, Getty s’obstine à refuser de payer.

Entre un mafieux qui menace d’attenter à la vie de son fils et un puissant ex-beau-père qui préfère dépenser pour des oeuvres d’art que pour sauver la vie de son petit-fils, Gail reverrat-elle Paul en vie?

FILM DE RÉPERTOIRE

Je vais être clair: Tout l’argent du monde s’adresse à un public patient qui sait apprécier le cinéma de nuance. Oubliez donc les scènes d’action à la Die Hard (1988), à la Commando (1985) ou à la Taken (2008). Ne cherchez pas le Bruce Willis, le Arnold Schwarzene­gger ou le Liam Neeson qui va sauver la donne à coup de mitraillet­te.

L’oeuvre de Ridley Scott en est d’abord et avant tout une basée sur les dialogues et les dilemmes moraux. Et sur la magnifique performanc­e de Williams, Plummer et du Français Romain Duris.

Williams est peut-être la meilleure comédienne de sa génération (voir tableau).

Son jeu dans Tout l’argent du monde lui a valu la cinquième mise en candidatur­e de sa carrière au Golden Globe - prix qui est allé à Frances McDormand - et elle est dans la course pour une cinquième nomination aux Oscars (les finalistes seront connus le 23 janvier).

Elle est sublime dans le rôle de la mère déconcerté­e qui doit se battre à munitions inégales pour tenter de sauver la vie de son fils. Plummer est lui aussi fidèle à lui même. J’imagine sans mal que Spacey aurait fait un J. Paul Getty dont la suffisance n’aurait eu d’égal que l’arrogance (à l’image du Lex Luthor qu’il nous a donné dans Superman Returns).

Plummer est tout aussi détestable. Il est en fait parfait dans le rôle du vieil avare égoïste.

QUI EST LE MÉCHANT?

La révélation du film est toutefois Duris. Celui qu’on a pu voir dans L’Auberge espagnole (2002) et, plus récemment, dans Un petit boulot (2016) se tire drôlement bien d’affaire pour un Français qui interprète un Italien du sud qui s’exprime en anglais.

Son personnage de Cinquanta, qui fait partie du groupe des ravisseurs, est probableme­nt le plus intéressan­t du film.

Cinquanta est en effet dans le groupe des méchants, mais il agit à titre de protecteur du jeune Paul. On sent le déchiremen­t qui l’habite de voir l’héritier Getty être abandonné à son triste sort par son grand-père.

C’est d’ailleurs dans toute cette zone grise entre le bien et le mal que se situe l’intérêt de Tout l’argent du monde.

Rarement aura-t-on vu un film où la haine du spectateur est divisée avec autant d’efficacité entre les ravisseurs et la famille de la victime (en l’occurrence, grand-papa Getty). Qui plus est, un des ravisseurs suscite la sympathie...

Ce délicieux état de fait nous oblige à plusieurs reprises à nous demander qui est le véritable méchant de l’histoire. Et croyez-moi, la réponse est loin d’être évidente...

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Gail Harris (Michelle Williams) et Fletcher Chase (Mark Wahlberg) tentent de faire fi d’une horde de paparazzis. - Gracieuset­é
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