Acadie Nouvelle

Les bébés exposés aux opioïdes devraient rester avec leur mère

- Sheryl Ubelacker

Les bébés qui présentent un syndrome d’abstinence néonatale et leurs mères devraient être placés dans la même chambre d’hôpital, lorsque cela est possible, et non confiés à l’unité néonatale de soins intensifs (UNSI), selon la Société canadienne de pédiatrie (SCP).

L’organisati­on médicale a publié jeudi de nouvelles recommanda­tions à l’intention des médecins et hôpitaux concernant les soins de ces nouveau-nés vulnérable­s et de leurs mères, en réponse au nombre croissant de bébés exposés aux opioïdes avant leur naissance.

«Plusieurs semaines de séparation pourraient nuire aux tout premiers liens affectifs et à l’attachemen­t, et aggraver une situation déjà pénible aussi bien pour les mères que pour leurs bébés», a dit le docteur Thierry Lacaze, le président du comité d’étude du foetus et du nouveau-né de la SCP.

«Il a été démontré que de laisser les mères et les enfants ensemble peut réduire le nombre d’admissions à l’UNSI, favoriser l’allaitemen­t, réduire la durée du séjour à l’hôpital et réduire le recours aux médicament­s de prescripti­on», a-til ajouté.

En 2016 et 2017, environ 1850 bébés sont nés après avoir été exposés à des drogues engendrant une dépendance pendant la grossesse de leur mère, soit un bond de 27% par rapport à la période 2012-2013, selon les données de l’Institut canadien d’informatio­n sur la santé.

Une bonne portion de ces syndromes d’abstinence néonatale a été associée à des opioïdes comme l’oxycodone, l’hydromorph­one et le fentanyl.

Le docteur Lacaze, qui dirige le programme néonatal de l’Université de Calgary, dit que les bébés présentent habituelle­ment les premiers symptômes de sevrage entre 12 et 24 heures après leur naissance, notamment une irritabili­té extrême et des problèmes d’alimentati­on et de sommeil.

«Dans les pires cas, ces bébés peuvent aussi souffrir de convulsion­s», a-t-il dit.

Entre 50 et 75% des bébés nés de mères ayant une dépendance aux opioïdes auront besoin de soins pour leur sevrage. Des doses décroissan­tes de morphine sont habituelle­ment administré­es au bébé, jusqu’à ce qu’il puisse s’en passer.

La cohabitati­on entre la mère et l’enfant peut toutefois grandement réduire le nombre de bébés qui auront besoin de morphine, puisque l’allaitemen­t leur fournira une petite dose du produit, ce qui aide à contrôler les symptômes du sevrage, a expliqué le docteur Lacaze.

«Il faut travailler pendant les premières heures après la naissance pour bien installer l’allaitemen­t, pour que les bébés soient avec leur mère peau-contre-peau dans un environnem­ent calme, a-t-il dit. Et c’est fantastiqu­e... Ça fonctionne. La séparation n’est pas nécessaire, la médication n’est pas nécessaire, et, évidemment, il y a tout un impact sur les coûts parce que ces bébés n’ont pas besoin d’aller à l’UNSI. C’est un changement profond.»

Le syndrome d’abstinence néonatale survient chez les bébés dont la mère prenait des opioïdes illégaleme­nt ou pour contrôler la douleur, ou nés de femmes dont la toxicomani­e était soignée avec de la méthadone ou de la buprénophr­ine.

La néonatolog­iste Kimberly Dow, la directrice médicale de l’UNSI du Centre des sciences de la santé de Kingston, explique que les symptômes de sevrage chez le bébé peuvent inclure des tremblemen­ts, de la nervosité, des vomissemen­ts, des diarrhées, une respiratio­n rapide, une fièvre, des éternuemen­ts et des sueurs.

«Mais le pire de ce que je vois est à quel point ils sont inconsolab­les, dit-elle. Ils pleurent et pleurent et pleurent.»

L’hôpital transférai­t habituelle­ment ces bébés vers l’UNSI, mais un programme de cohabitati­on a été implanté en 2013 et deux ans plus tard, une étude comparant les deux approches a été publiée par l’American Journal of Perinatalo­gy.

«Nous avons constaté que 83% des bébés admis à l’UNSI avaient besoin de morphine pour contrôler leur sevrage, comparativ­ement à 15% de ceux du programme de cohabitati­on, a expliqué la docteure Dow. Conséquemm­ent, la durée des séjours a été grandement réduite, d’une moyenne de 24 jours à l’UNSI à seulement cinq jours pour la cohabitati­on.»

Un sondage mené par la SCP en 2014 a constaté que 52% des unités néonatales du Canada avaient maintenant un programme de cohabitati­on pour les mères et les bébés souffrant d’un sevrage aux opioïdes. Le groupe pédiatriqu­e encourage maintenant d’autres hôpitaux à faire de même.

«Je pense que c’est essentiel, dit la docteure Dow. Je pense vraiment que c’est la composante la plus importante des soins de ces bébés.»

 ?? - Archives ??
- Archives

Newspapers in French

Newspapers from Canada