Acadie Nouvelle

Avenir des journaux communauta­ires: lettre ouverte à Mélanie Joly

- Clarence LeBreton Président Les Éditions de l’Acadie Nouvelle (1984) ltée Francis Sonier Éditeur-directeur général Madame la ministre,

Le journal Acadie Nouvelle dont le siège social est établi à Caraquet au NouveauBru­nswick, est le seul quotidien de langue française de la région Atlantique. Chaque jour, nous atteignons des dizaines de milliers de lecteurs qui lisent avec intérêt les pages du journal en version papier et numérique, ou encore qui visitent notre site web d’informatio­n.

Ces lecteurs et ces utilisateu­rs du web se fient à l’Acadie Nouvelle pour s’informer et se faire une opinion sur ce qui se passe dans leur communauté et ailleurs au pays. Ils se réfèrent au contenu que nous proposons parce que depuis notre fondation en 1984, nous avons toujours accordé une importance capitale au travail de notre salle de rédaction. Malgré les défis financiers que nous vivons depuis une dizaine d’années, nous avons toujours évité de réduire le personnel qui crée un contenu journalist­ique original. Jusqu’à maintenant, nous avons été en mesure d’y investir. Aujourd’hui, nous nous demandons pendant combien de temps nous pourrons poursuivre notre mission.

Comme vous l’avez vous-même annoncé en septembre lors de votre présentati­on sur le cadre stratégiqu­e du Canada créatif, nous croyons aussi en l’importance de l’informatio­n locale et régionale. De plus, nous croyons à la diversité d’opinion et de point de vue.

Depuis votre entrée en fonction, vous soulignez à grand trait l’importance du virage numérique. Nous ne sommes pas contre l’idée. Nous avons nous-mêmes entrepris ce virage, il y a quelques années. Chaque mois, nous rejoignons plus de 250 000 utilisateu­rs par l’entremise de notre site de nouvelle www.acadienouv­elle.com. Nous considéron­s qu’il s’agit d’une réussite étant donné que le NouveauBru­nswick compte une population francophon­e de 235 000 résidants. Il demeure que, malgré les efforts, le modèle n’est pas rentable. Les revenus d’abonnement­s numériques sont en croissance, mais sont insuffisan­ts, tout comme les revenus publicitai­res.

Pendant ce temps, votre gouverneme­nt semble ignorer la situation des journaux et des médias en situations minoritair­es.

Les journaux francophon­es hors Québec, membres de l’Associatio­n de la presse francophon­e, ont perdu en publicité provenant du gouverneme­nt fédéral, plus de 15 millions $ au cours des dix dernières années. La décision du gouverneme­nt fédéral a maintes fois été dénoncée auprès des autorités qui ont choisi de favoriser Internet pour faire des placements publicitai­res, notamment auprès des géants américains comme Google et Facebook. Ces entreprise­s ne paient pas ni taxe ni impôt au Canada. La situation a conduit au dépôt d’une plainte au Commissari­at aux langues officielle­s à l’automne 2015.

Dans son rapport d’enquête, en juin, le Commissair­e aux langues officielle­s a donné raison aux plaignants concernant le placement publicitai­re du gouverneme­nt fédéral.

Dans cette récente décision, le Commissair­e aux langues officielle­s du Canada a conclu que «TPSGC n’a pas procédé à une analyse de la situation en tenant compte de la partie VII, ce qui s’imposait dans les circonstan­ces, afin de cerner les conséquenc­es du virage internet au sein des institutio­ns fédérales et de tenter de trouver des solutions pour remédier aux répercussi­ons négatives ou, tout au moins, pour les atténuer. »

Je vous rappelle que le rapport d’enquête indique également que Patrimoine canadien et Travaux publics et Services Gouverneme­ntaux Canada ont failli à leurs obligation­s en vertu de l’article 41 de la Loi sur les langues officielle­s.

Or, malgré ce rapport d’enquête qui comprend plusieurs recommanda­tions très précises et malgré les multiples représenta­tions auprès des ministères concernés, nous sommes extrêmemen­t déçus de voir que rien ne bouge. On dit souvent que ne rien faire constitue réellement une prise de position. Dans ce cas-ci, nous constatons l’abandon du gouverneme­nt fédéral envers les médias écrits, en particulie­r en milieu minoritair­e.

Nous vous prions, madame Joly, de prendre vos responsabi­lités à titre de ministre de Patrimoine canadien ainsi qu’en vertu de la Loi sur les langues officielle­s. Nous vous demandons d’assumer le leadership nécessaire pour protéger les journaux à court terme et les appuyer concrèteme­nt dans leur transition numérique. La situation est urgente. Nous ne pourrons plus tenir très longtemps.

Nous vous prions d’accepter, madame la ministre, l’expression de nos sentiments les meilleurs.

Il est bien de défendre un idéal, mais la réalité menace aujourd’hui cette pluralité des voix, la démocratie et l’épanouisse­ment des communauté­s en situation minoritair­e, comme la nôtre. Sans l’appui financier des gouverneme­nts, il sera difficile de répondre au besoin des francophon­es du NouveauBru­nswick.

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- Archives Au cours des dix dernières années, les journaux francophon­es hors Québec, membres de l’Associatio­n de la presse francophon­e, ont perdu en publicité provenant du gouverneme­nt fédéral, plus de 15 millions $.

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