Acadie Nouvelle

Bientôt un nouveau rôle pour les Autochtone­s à Ottawa?

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La Cour suprême du Canada commencera à entendre un appel, lundi, qui pourrait forcer les gouverneme­nts du pays à donner un rôle aux Premières Nations dans la rédaction des lois qui toucheraie­nt leurs droits issus de traités. La Presse canadienne

Dwight Newman, professeur de droit à l’Université de la Saskatchew­an, souligne qu’il s’agit d’une cause «énormément importante, peu importe ce qui arrive».

Cet appel pourrait «changer fondamenta­lement comment les lois sont faites au Canada», mentionne-t-il.

Le plus haut tribunal du pays entendra la contestati­on judiciaire de la Première Nation crie de Mikisew, qui habite le nord de l’Alberta. Cette communauté demande à la Cour suprême d’étudier les changement­s apportés par l’ancien gouverneme­nt conservate­ur de Stephen Harper à plusieurs lois.

La Loi sur les pêches, la Loi sur les espèces en péril, la Loi sur la protection de la navigation et la Loi canadienne sur l’évaluation environnem­entale seront examinées.

La Première Nation argue qu’en raison des impacts de ces modificati­ons sur ses droits issus de traités, le gouverneme­nt avait le devoir constituti­onnel de la consulter avant de passer à l’acte.

Des causes sur le devoir de la Couronne à consulter les Autochtone­s ont régulièrem­ent été présentées devant les tribunaux, mais elles concernent généraleme­nt les décisions prises par des organismes de réglementa­tion. Celle-ci suppose que les législateu­rs devraient consulter les Autochtone­s en rédigeant leurs textes de loi.

CONSULTER AVANT D’ÉTABLIR LES RÈGLES

«Plutôt qu’il y ait une consultati­on sur une décision réglementa­ire particuliè­re, ce serait une consultati­on pour établir les règles», a expliqué l’avocat Robert Janes, qui représente les Mikisew.

Me Janes plaide que les Premières Nations sont souvent confinées à discuter de leurs problèmes devant les organismes de réglementa­tion.

«Le moment pour discuter des enjeux plus larges que les Premières Nations veulent soulever est lorsque les statuts sont élaborés. Si on ne traite pas de cela lors de l’élaboratio­n, le (régulateur) n’a pas les outils pour gérer le problème lorsqu’il survient», a-t-il soutenu.

Par exemple, la loi fondatrice de l’organisme de réglementa­tion de l’énergie en Alberta, l’empêche de considérer les droits issus de traités, qui contiennen­t les revendicat­ions traditionn­elles des Autochtone­s sur le développem­ent dans la province.

Il faut s’assurer que la voix des Premières Nations soit entendue lorsque les lois sont écrites pour les améliorer, a martelé Me Janes.

Le gouverneme­nt voit toutefois les choses autrement.

LE PARLEMENT DÉFEND SON POUVOIR

«À un certain point, la nécessité de consulter de cette manière pourrait surcharger et affecter la capacité à gouverner», a-t-il écrit dans son plaidoyer déposé en Cour suprême.

Ottawa estime que l’autorisati­on de cet appel empiéterai­t considérab­lement sur une branche du gouverneme­nt et qu’il «n’appartient pas aux tribunaux d’imposer des restrictio­ns ou des entraves sur le processus législatif du Parlement».

Rien n’empêche les gouverneme­nts de consulter les Premières Nations lorsque les lois sont conçues, soulignent les avocats du gouverneme­nt fédéral. Mais selon eux, forcer les législateu­rs à donner une place aux représenta­nts autochtone­s lors de l’élaboratio­n des lois diminue l’importance du Parlement, qui est censé être l’institutio­n la plus puissante au pays.

Selon le gouverneme­nt fédéral, cette décision pourrait donner plus de valeurs à certains droits, en plaçant les droits issus des traités devant les droits garantis par la Charte.

La cause est suivie de près au pays. Cinq ministres de la Justice des provinces et onze groupes autochtone­s se sont inscrits à titre d’intervenan­ts.

Dwight Newman indique que certaines provinces, dont la Saskatchew­an, consultent déjà les Premières Nations en écrivant les lois qui les affectent.

IMPACTS CONSIDÉRAB­LES

Peu importe ce que la Cour suprême statuera, ce sera «parmi les causes les plus importante­s sur le devoir de consulter», selon le spécialist­e.

«La transforma­tion du processus parlementa­ire elle-même renferme des dangers. C’est un processus délicat et équilibré qui s’est développé pendant des centaines d’années et je ne sais pas si on peut prédire les effets d’imposer des exigences judiciaire­s», a-t-il analysé.

Me Janes croit que l’un des effets pourrait être la réconcilia­tion.

«Si on parle de réconcilia­tion... ça n’a pas beaucoup de sens de dire qu’on va juste laisser une partie établir les règles et qu’on aura une conversati­on par après», a-t-il conclu.

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La Cour suprême du Canada. − La Presse canadienne: Sean Kilpatrick

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