Acadie Nouvelle

RINO MORIN ROSSIGNOL: DE LA GLACE, DU VERGLAS ET DE LA NEIGE

Au moment où je me prépare à terminer cette chronique, j’apprends que toutes les écoles du NouveauBru­nswick sont fermées. Holé que ces jeunes-là sont chanceux! Ils vont pouvoir s’envoyer des «snapchats» toute la journée! Yéé.

-

Évidemment, leurs profs aussi sont en congé. Pauvres eux-autres! Privés de leur droit à vivre pleinement aujourd’hui leur vocation de pédagogues! Il faudrait que l’État songe à dédommager ces profs qui ne peuvent exercer leur métier dans ces conditions météorolog­iques carrément anticonsti­tutionnell­es!

Oooooh, dira-t-on jamais assez la douleur d’un prof de français empêché par les dévergonda­ges climatique­s d’aller dans son paradis scolaire transmettr­e sa soif du subjonctif plus-que-parfait du verbe «googler» à une bande de jeunes esprits survoltés assaillis de questions anglaises et de fous rires hormonaux!

Je choisis volontaire­ment l’exemple du prof de français, parce que le français est la matière scolaire la plus importante; la matière première par laquelle passe l’enseigneme­nt de toutes les autres matières, sauf l’anglais. Du moins, normalemen­t. Après tout, si les francophon­es du NiouBrunsw­ick ont obtenu des écoles françaises homogènes après un siècle de luttes, ça devait être pour ça! Faudrait même penser à payer les profs de français plus cher que les autres!

Mais bon, je digresse. Quoi qu’il en soit, il faut se résoudre à accepter les conséquenc­es paradoxale­s du réchauffem­ent climatique: plus la températur­e monte, plus on gèle. Me semble avoir lu ça quelque part. Dans un gazouillis de Trump, je pense.

Il y a au moins un avantage à ces turbulence­s boréales qui nous sortent de nos ronrons quotidiens: ça donne amplement de matière au RDI pour jouer à MétéoMédia ce matin, en faisant une couverture non-stop de la météo. Pas un flocon de neige, pas une goutte de verglas qui ne fasse l’objet d’une analyse paléoclima­tique et médiatique pointue. On les félicite!

Entre-temps, LCN, pourtant très «peuple», a trouvé le moyen de nous parler non seulement du climat hivernal, mais également du climat politique québécois! Ah! l’entreprise privée quand elle se met en mode compétitif!

Je viens justement de pogner un reportage commenté sur le PQ, où le chef actuel Jean-François Lisée fait patate. S’il perd les élections prévues le 1er octobre prochain, son règne prendra fin, car le PQ n’aime pas les chefs qui ne gagnent pas. Il n’aime même pas ceux qui gagnent!

Paraît que PKP, l’ancien chef au poing levé et à la falle basse, rôde dans les coulisses du parti, comme un nouveau fantôme de l’opéra! Il se dit même en réserve de la république! Oh la la! Que de suspens!

Assailli de vents tourbillon­nant dans le vide idéologiqu­e, le PQ, qui connut des heures de gloire à l’époque où ses chefs proposaien­t une vision d’avenir inédite, n’est plus que l’ombre de lui-même depuis que ses nouveaux chefs n’offrent plus comme vision d’avenir que des jérémiades d’ancien temps, des formules éculées et des slogans creux.

Bref, le PQ ne sait plus ce qu’il veut. Ou, pour mieux dire, le PQ veut le pouvoir pour le pouvoir, exactement comme les vieux partis traditionn­els, et il est prêt à faire des contorsion­s dignes du Cirque du Soleil pour y arriver.

On ne peut pas le blâmer. Après tout, c’est l’objectif de tout parti politique. Sauf peut-être de Québec Solidaire qui, tout entortillé dans une idéologie de gauche surannée, cherche plutôt à jouer les empêcheurs de danser en rond. Comme les trolls qui, sur l’internet, s’échinent à bousiller les échanges conviviaux dans les forums publics.

Dans ce contexte où les forces souveraini­stes se phagocyten­t goulûment sur la place publique, et où le Parti libéral du Québec se débat dans sa rhétorique emberlific­otée, il ne faut pas s’étonner d’apprendre que l’électorat semble manifester, ces temps-ci, un appui plus soutenu à la CAQ, un parti progressis­te-conservate­ur dirigé par François Legault, ancien entreprene­ur qui a fait ses preuves et ancien souveraini­ste qui a fait du chemin.

Certes, depuis toujours il y a des forces sociales-démocrates à l’oeuvre au Québec, mais on oublie trop rapidement qu’il y a toujours eu également des forces progressis­tes-conservatr­ices très actives. Qu’on pense à Duplessis, Daniel Johnson, Brian Mulroney et même Lucien Bouchard.

Au Niou-Brunswick, c’est maintenant le Parti libéral de Brian Gallant qui occupe ce créneau. On ne peut quand même pas faire des révolution­s françaises, des révolution­s industriel­les et des révolution­s communiste­s à chaque génération! Faut laisser le temps au temps de faire son oeuvre.

Ce qui a changé le plus fondamenta­lement en politique, aujourd’hui, c’est la dimension médiatique.

Tout ce qui se faisait autrefois en catimini et tout ce qui se disait dans des antichambr­es enfumées est aujourd’hui projeté sur des milliards d’écrans, dans des milliards de courriels, de gazouillis, de textos, sous les projecteur­s de millions de caméras et dans le grésilleme­nt de millions de micros.

La nouvelle est instantané­e, la réaction populaire aussi!

De plus, le niveau d’éducation général s’étant passableme­nt amélioré, il est plus difficile aujourd’hui de passer un sapin à des population­s aux aguets. À moins que ce ne soit un sapin virtuel traité au Photoshop pour lui donner l’allure d’un cocotier.

Imaginez ce qui serait advenu du Canada si les négociatio­ns constituti­onnelles de 1864-1867 avaient eu lieu sous l’oeil des caméras et si elles avaient été répercutée­s d’un océan à l’autre via l’internet. Le Canada actuel existerait-il?

Rappel: à la conférence de Charlottet­own en 1864, il y avait 25 participan­ts, tous des hommes. Deux Québécois seulement. Aucun Acadien. Aucun Amérindien. Et, naturellem­ent: aucune femme!

Est-ce que cela serait tolérable en 2018?

Bon, on ne le saura jamais, mais ce qu’on sait, c’est que le climat est pas mal le même qu’à cette époque! La banquise polaire qui m’entoure me ramène au temps présent: de la glace, du verglas, de la neige.

Tiens, je vais faire un tour de métro. J’apporte mes raquettes. On ne sait jamais.

Han, Madame?

 ??  ?? La conférence de Charlottet­own de 1864. – Archives
La conférence de Charlottet­own de 1864. – Archives
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada