Un ballet-théâtre pour mieux comprendre l’immigration
Quand Igor Dobrovolskiy a quitté son Ukraine natal pour s’établir à Moncton, il avait le coeur rempli d’espoir. Dix-sept années plus tard, le chorégraphe et directeur artistique du Ballet-théâtre atlantique du Canada a envie de partager son expérience sur l’immigration par la création d’une nouvelle oeuvre, qui sera présentée en grande première le 23 mai. Sylvie Mousseau
Les responsables du Ballet-théâtre atlantique du Canada (BTAC) ont dévoilé, mardi, les détails d'un projet ambitieux autour de l'immigration qui comprendra la production d'un ballet et la tenue de sommets sur l'immigration dans les quatre provinces de l'Atlantique. Une centaine de personnes ont assisté à cette annonce à Moncton.
Igor Dobrovolskiy, qui a parlé de ce projet avec beaucoup d'émotion, a présenté les sept danseurs de la compagnie qui proviennent tous de pays différents. Le chorégraphe mijote ce projet depuis au moins un an. Étant un langage universel, la danse peut ouvrir le dialogue et permettre de mieux comprendre les réalités, les conflits et le côté humain de l'immigration, estime-t-il.
«Je suis à Moncton depuis 17 ans et je suis un chanceux qui a pu vivre son rêve ici. Je suis un des immigrants chanceux, mais il n'y a pas beaucoup d'immigrants qui ont cette chance comme moi et je veux partager mon expérience par le ballet pour que les gens comprennent ceux qui quittent leur maison pour différentes raisons, afin de s'installer ailleurs.»
Le chorégraphe souligne que les immigrants continuent de ressentir leurs pays qu'ils ont laissés derrière quand ils arrivent dans un nouveau pays. Celui qui ne savait parler ni le français ni l'anglais à son arrivée, a quitté Kiev pour des raisons économiques.
«Je me souviens de la première année, j'étais toujours pris entre l'Ukraine et Moncton parce que nous n'étions jamais sûrs comment la communauté allait nous adopter. Au fil des années, on a commencé à construire notre maison et maintenant, nous avons notre maison, une famille. Mais il y a une partie de moi qui est restée en Ukraine.»
Si la compagnie professionnelle de ballet de Moncton a choisi de se pencher sur cette thématique, c'est que plus de 50% de ses employés ont immigré au Canada et 11 pays sont représentés au sein de l'entreprise. La compagnie a reçu au-delà de 400 demandes d'emploi en provenance de 25 pays.
«L'immigration est un enjeu que nous vivons au ballet et en lequel nous croyons sans réserve», a affirmé la présidente-directrice générale et cofondatrice de la compagnie, Susan Chalmers-Gauvin.
La danseuse d'origine française, Olga Petiteau, qui travaille au sein du ballet depuis cinq ans, estime que l'art et la danse peuvent transmettre l'émotion de façon plus globale et ainsi, toucher les gens.
«Qu'on soit immigrant ou pas, on est dans l'immigration. Je suis vraiment excitée et j'ai hâte de pouvoir partager comment je l'ai vécu à travers ma représentation et voir aussi comment mes collègues l'ont vécu», a confié l'artiste qui mettra tout son coeur dans cette production et ce, peu importe le rôle qu'elle incarnera.
Elle raconte que son aventure comme immigrante a été plutôt enrichissante, malgré les difficultés qu'elle a dû traverser en arrivant dans un nouveau pays juste avec quelques valises.
«Bien sûr, il faut tout recommencer à zéro donc ce n'est pas toujours évident, mais j'ai plus de positif que de négatif.»
D'après Igor Dobrovolskiy, l'un des grands défis que rencontrent les danseurs est tout le processus administratif, même si ce sont des professionnels qui ont un emploi au sein de la compagnie de ballet. Ce dernier qualifie la paperasserie administrative de véritable cauchemar.
Avec sa nouvelle production il espère exprimer son expérience personnelle, les sentiments qui l'animent et comment sa vie a changé en intégrant les diverses cultures tout en restant soi-même. Le travail avec les danseurs commencera bientôt.
Avec un budget frôlant le demi-million de dollars, ce nouveau projet du BTAC est ambitieux. Des sommets sur l'immigration se tiendront à Moncton, St. John's, Charlottetown et Halifax. Ce sont dans ces villes que le ballet sera présenté. James Lockyer, membre du comité organisateur du Sommet sur l'immigration atlantique, estime que l'un des enjeux majeurs du développement économique est le manque de main-d'oeuvre.
«La seule façon de régler ce problème, c'est par l'immigration. Quand on discute d'immigration, l'intégration des immigrants devient le défi. Dans une certaine mesure, c'est un défi qui peut être réglé assez rapidement», a mentionné M. Lockyer.
À son avis, le rôle de la collectivité et de la communauté d'affaires est d'embrasser les nouveaux arrivants, de favoriser l'inclusion et l'intégration.
«Il faut que les immigrants soient heureux. C'est un besoin réel pour notre avenir.»
L'ancien politicien espère que le Sommet de Moncton, qui se tiendra les 23 et 24 mai, accueillera entre 400 et 500 personnes et contribuera à changer des choses concrètement. Les autres sommets se tiendront à l'automne.
«On veut attirer des personnes d'affaires qui peuvent donner accès aux postes dans la région, faciliter l'arrivée et le confort de ces immigrants et mobiliser la communauté», a-t-il poursuivi.
Une série de recommandations et d'actions sera acheminée à chacun des gouvernements. Plusieurs partenaires sont engagés dans ce projet. La contribution du gouvernement fédéral s'élève à près de 261 000$, tandis que celle du Nouveau-Brunswick à 10 000$.