Mgr Couture et l’Acadie
Avec le départ de Mgr Maurice Couture, plusieurs ont perdu un père spirituel, un pasteur, un homme d’écoute. Je ne parle pas uniquement des prêtres et des fidèles de l’archidiocèse de Québec. Mais de beaucoup d’autres. Même jusqu’ici en Acadie.
Lorsque je suis arrivé au Grand Séminaire de Québec en 1991 pour ma formation presbytérale, Mgr Couture venait à peine d’être nommé archevêque de Québec. C’est lui qui présidait les grandes célébrations au Séminaire: la messe de la rentrée, les ordinations, les institutions aux ministères, etc. Pour le séminariste que j’étais, son influence fut indéniable par ses messages et sa manière d’être.
Au début des années 2000, Mgr Valéry Vienneau l’a invité pour deux événements importants au diocèse de Bathurst. D’abord, les prêtres l’ont accueilli comme animateur de leur retraite annuelle. Et en 2006, Mgr Couture est venu animer la neuvaine à SteAnne-du-Bocage. Avec plusieurs pèlerins, j’ai eu le privilège de passer dix jours de ressourcement avec ce pasteur dévoué qui a laissé sa marque par sa simplicité et sa proximité.
Je me rappelle plusieurs souvenirs de son passage mémorable chez nous. Dans ses heures libres, il s’était donné comme projet de lire «Le journal des visites pastorales en Acadie de Mgr Plessis (1763-1825), son lointain prédécesseur, qui a documenté ses séjours alors qu’il venait visiter ses diocésains (nous faisions partie du diocèse de Québec à cette époque).
Au mitan de la neuvaine, nous avons pris un après-midi de congé pour aller faire une balade sur l’île Lamèque. À l’église SteCécile, d’autres visiteurs ont cru reconnaître leur ancien pasteur et lui ont demandé: «Seriez-vous Mgr Couture?». Et les voilà engagés dans une discussion amicale sur les ressemblances entre l’Église de Québec et celle d’Acadie et la saine émulation appelée à devenir un défi.
Accueilli au couvent des religieuses JésusMarie, Mgr Couture évoque avec émotion le moment où, dans la basilique St-Pierre de Rome en mars 1993, il a lu le décret pour la béatification de Dina Bélanger. Il avait oublié que le miracle ayant permis cette béatification avait eu lieu à Lamèque en 1939: un jeune condamné à la suite d’une hydrocéphalie avait retrouvé la santé sans aucune séquelle.
J’ai revu Mgr Couture à quelques reprises par la suite, notamment lors de la préparation du Congrès eucharistique international (Québec 2008). J’habitais près de la maison provinciale des religieux de Saint-Vincentde-Paul où vivait Mgr Couture. Il m’arrivait de concélébrer à la messe de la communauté et nous échangions des informations de part et d’autre à la sacristie. Il avait gardé de l’Acadie de vifs souvenirs.
Mon dernier souvenir de Mgr Couture remonte à ce Congrès eucharistique. Précisément lors de la procession du jeudi soir. Les participants étaient nombreux. La foule massée sur les bords des étroites ruelles de la basse-ville observait la procession: le Saint-Sacrement en tête suivi des cardinaux, des évêques, des prêtres et des laïcs qui marchaient en arrière.
Un arrêt était prévu à Saint-Roch. L’église était remplie de gens qui n’avaient pas la force de marcher tout le trajet: des vieillards, des malades et les itinérants du quartier. À l’entrée de l’église, avec des curieux qui tendaient la tête pour apercevoir la procession arriver, il y avait cet homme qui regardait dans la même direction qu’eux. Il semblait un des leurs : cheveux blancs, amaigri par la maladie, courbé par les années, adossé sur une colonne. C’était lui: Mgr Couture! Avec les siens de la périphérie, il regardait de loin la procession. Et lorsque le St-Sacrement est passé près de lui, il s’est agenouillé.
J’étais estomaqué et admiratif de voir ainsi celui qui avait milité quelques années plus tôt avec son ami le maire Jean-Paul L’Allier pour cette manifestation de foi pendant les célébrations du 400e de Québec. Cette image que je garde de lui condense tout son message et toute son oeuvre: être avec les autres, surtout les plus pauvres, regardant avec eux du côté du soleil.
Les aléas de l’histoire du catholicisme n’auront pas permis que Mgr Couture soit créé cardinal comme la tradition le prévoyait (depuis 1886, l’archevêque de Québec est nommé cardinal). Mais au moment de le confier au Père éternel, nous pouvons bien dire qu’il demeure une référence cardinale pour la pastorale de notre Église. Aujourd’hui, nous pouvons dire qu’il est cardinal in pectore dans le coeur de plusieurs.
J’ai appris la nouvelle du départ de Mgr Couture avec tristesse parce que j’avais beaucoup d’estime pour lui. Il est une figure incontournable du catholicisme canadien du tournant de l’an 2000. Pensant à tout ce qu’il a fait pour l’Église, ma tristesse se transforme en gratitude.