Acadie Nouvelle

Daniel LeBlanc-Poirier: l’urgence de vivre dans une sincérité payante

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En littératur­e – ainsi que dans plusieurs autres domaines –, la sincérité, ça paye. Il en a fallu beaucoup à Daniel LeBlancPoi­rier pour écrire recueil saisissant publié le 11 septembre dernier à l’Hexagone et pour lequel il se retrouve finaliste aux prix des Libraires 2018 dans la catégorie Poésie.

comme dans urgence, celle poussée à bout, jusqu’à «l’extrême frontière», dixit un autre Leblanc-poète, Gérald celui-là. En filigrane, la dépendance, qu’elle soit aux drogues, affective, en béton ou à 200 à l’heure sur la route des plus vertigineu­ses sensations. De tous les livres qu’il a écrits – romans ou recueils de poésie –, Daniel LeBlanc-Poirier affirme sans détour que c’est dans qu’il se met le plus à nu.

«J’ai toujours abordé le thème de la dépendance dans mes autres oeuvres auparavant, mais j’ai toujours tourné autour du pot sans jamais vraiment l’attaquer de front. Dans

c’est de l’urgence de ma survie dont je parle, de l’esclavage que toutes mes dépendance­s m’ont fait vivre. Quand tu appelles le 911, tu ne vas vraiment pas bien, mais tu veux t’en sortir», image le poète trentenair­e natif d’Eel River Crossing, près de Campbellto­n, et ayant grandi à Gatineau au Québec.

En substance, Daniel LeBlanc-Poirier n’a jamais fait de cachette de son existence souvent chaotique, de sa dépendance aux drogues lourdes, de sa santé mentale qui a parfois fléchi. S’il réussit maintenant à chasser certains de ces maux et à mieux en contrôler d’autres, il reste que la corde de ses étrangleme­nts, bien que moins raide, ne s’est pas encore totalement détendue.

«C’est chaque doute que j’abats / avec la circoncisi­on des étoiles / (...) si la route est lisse la voiture devient / un buvard pour l’acide d’accident / et les nuages bombent le torse pour recueillir / les cendres fluorescen­tes du désir», écrit-il notamment, puis plus loin: «je ne sais pas par où commencer / ni comment nommer les gouttières / où je fonds / ni ne pourrais survivre / aux années odorantes / du visage / pour noyer les hommes / avec les huiles usées / du poème». Dans l’expression de la douleur, le poète dessine également avec ses mots une forme d’affranchis­sement.

«Mon recueil est très organique. J’ai trouvé que ça m’avait fait du bien d’y témoigner de mon urgence de vivre, surtout en sachant que d’autres gens peuvent aussi vivre ça. Pour la première fois, je me suis vraiment mis en position de vulnérabil­ité et je pense qu’en écrivant j’ai aussi fait beaucoup de travail sur moi, ce qui fait en sorte que ma corde vitale est moins tendue», souligne Daniel LeBlanc-Poirier, ajoutant en riant qu’il devra dorénavant se trouver une autre corde ultrasensi­ble pour écrire ses prochains livres.

Et c’est ça le plus drôle chez lui. Ce grand gaillard aux cheveux blonds, malgré tout ce qui a été dit précédemme­nt, réussit la plupart du temps à se jouer de lui-même. En public, il alterne entre timidité et insécurité naturelles et affabilité faisant de lui un véritable verbomoteu­r à la blague facile, même au cours de notre entretien téléphoniq­ue. L’humour comme arme de survie, qu’il utilise d’ailleurs à quelques reprises dans C’est également dans la rigolade qu’il nous avertit de ne pas le suivre dans ses éboulement­s poétiques et littéraire­s. Ce n’est pas parce que le poète se noie que le lecteur est obligé de le suivre, illustre-t-il avec un certain flegme.

«C’est ça la beauté de l’art. Tu peux lire un livre ou examiner un tableau sans exactement comprendre ce que l’artiste a voulu dire, et surtout sans prendre le même chemin que lui. Tu restes quand même avec une émotion qui fait du bien, la plupart du temps, et que tu n’aurais peut-être pas pu vivre autrement», estime Daniel LeBlanc-Poirier, annonçant au passage qu’il planche actuelleme­nt sur son prochain roman, qui s’intitulera La vingtaine.

«Ça va encore traiter de la dépendance, sauf que je vais mettre en scène un personnage qui se fait suivre par des psychologu­es et des psychiatre­s pendant 10 ans. À travers lui, je vais aborder certains événements que j’ai vécus dans la vingtaine», avance Daniel LeBlanc-Poirier, qui est souvent salué par les critiques pour sa prose déjantée et très poétique, il va sans dire.

«Sauf que là, je suis vraiment dans le storytelli­ng. Ça va être plus épuré au niveau du style. J’avais entrepris ce travail-là d’épuration avec mon dernier roman, (publié chez Hamac, qui éditera également La vingtaine). Mais encore là, comme tous mes autres romans, l’histoire est courte et mon écriture est encore assez créative. La vingtaine risque de faire entre 300 et 350 pages et mon intention, c’est d’avoir un souffle de départ et de le maintenir tout au long du récit. Je pense que ça va être mon premier ‘‘vrai’’ roman!», lâche le romancier-poète dans un rire franc.

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Daniel LeBlanc-Poirier
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