La forme de l’eau : la belle et la bête aquatique
Les films de Guillermo de Toro ne manquent jamais de poésie, que ce soit au niveau des images ou du récit. La plus récente oeuvre du réalisateur mexicain, La forme de l’eau, n’est peutêtre pas sa création la plus divertissante, mais c’est certainement la
Depuis sa première lors du 74e Festival international du film de Venise - où il a remporté le Lion d’Or -, La forme de l’eau ne cesse d’accumuler les honneurs et les distinctions.
En plus de faire partie de la liste des 10 meilleurs films de 2017 des principaux médias de la planète, l’oeuvre fantastique tournée en Ontario a remporté deux Golden Globe en plus d’être en nomination pour 13 Oscars - un sommet cette année et le deuxième plus haut total de l’histoire (voir tableau).
C’est donc avec le sentiment de voir un classique instantané que j’ai visionné La forme de
l’eau. Et, comme c’est souvent le cas avec les films portés aux nues par la critique, je suis un peu resté sur mon appétit.
Oui, la cinématographie est sublime et les comédiens sont brillants - surtout Sally Hawkins, dans le rôle principal -, mais le scénario manque la petite étincelle qui en ferait un chef-d’oeuvre.
COMPASSION ET AMOUR
Elisa Esposito (Hawkins) est muette depuis sa naissance. Timide, solitaire, introvertie, la jeune femme est solidement attachée à sa routine.
Elisa travaille sur le quart de nuit dans l’équipe de nettoyage d’un centre de recherches océanographiques de Baltimore.
Un jour, elle assiste à l’arrivée au centre d’une créature amphibie agressive capturée en Amazonie. Un être qui a la forme d’un humain, mais l’apparence d’une grenouille.
À l’insu de tous, Elisa parviendra tranquillement à entrer en relation avec l’animal, à l’apprivoiser et à l’apprécier.
Alors que les scientifiques souhaitent étudier la créature vivante, les militaires - l’haineux Strickland (Micheal Shannon) en tête prônent plutôt pour une autopsie afin d’en extirper rapidement les secrets.
Comprenant que la vie de la bête est en danger, Elisa tentera de l’aider à s’évader.
Mais que peut une jeune femme apparemment sans ressources contre la sécurité bien rodée d’un laboratoire militaire et la hargne d’un soldat qui ne connaît pas le mot «échec»?
HAWKINS ÉBLOUISSANTE
Méconnue du grand public, Sally Hawkins est pourtant une comédienne accomplie, ses rôles dans Happy-Go-Lucky (2008) et Blue
Jasmine (2013) suffisant à le prouver. Dans La forme de l’eau, la Britannique âgée de 41 ans repousse les frontières de son art et de son talent en nous offrant une performance absolument éblouissante.
Tout au plus, une vingtaine de phrases signées par Sally sont sous-titrées. Le reste du temps, elle parvient à exprimer l’émotion ou le propos juste sans qu’une «traduction» soit nécessaire.
Elle offre, sans le moindre doute, une des plus grandes performances de l’histoire du cinéma moderne.
Qui plus est, Hawkins est bien entourée. La réputation de Michael Shannon n’est plus à faire alors que le brillant Richard Jenkins offre une parfaite dose de folie.
POÉTIQUE, MAIS CONVENU
À l’image de Crimson Peak (2015) et de Pan’s
Labyrinth (2006), La forme de l’eau est une oeuvre hautement poétique. Les images sont absolument magnifiques - avec une surabondance de vert pour marier la thématique maritime de l’oeuvre. À l’instar de Cendrillon ou de La Belle et la
Bête, le film est un appel à la compassion et à voir au-delà des apparences.
Toute cette poésie a toutefois un impact sur la qualité du scénario. À force de faire dans la métaphore et l’analogie, del Toro a dilué l’impact du récit.
En gros, l’histoire est à la fois trop simple et trop convenue. Le réalisateur nous offre un récit linéaire dénudé de toute surprise ou de mystère. J’ai attendu et attendu la grande révélation qui viendrait bouleverser l’oeuvre et qui la propulserait vers l’imprévu. En vain.
En ce sens, le plus récent film de del Toro a beaucoup plus à voir avec les fables et les contes de notre enfance qu’avec les oeuvres du cinéma contemporain populaire.
Peut-être que le public féminin se sentira plus interpellé. Après tout, le coeur de l’oeuvre, son rythme et les thèmes qu’elle aborde s’inspirent de grands classiques romantiques du cinéma.
Parce que mis à part deux ou trois scènes offrant un peu de tension, La forme de l’eau est, pardonnez-moi la métaphore marine, un long fleuve malheureusement beaucoup trop tranquille.