«On est nous-mêmes colonisés par les Britanniques»
Qu’en est-il des populations francophones? «On va dire qu’on est nous-mêmes devenus un peuple colonisé par les Britanniques, note le professeur Lozier, qu’on s’est libérés de ce joug-là par la Révolution tranquille (des années 1960).» «Se voyant comme un peuple historiquement opprimé, il est difficile de voir comment on aurait aussi contribué à l’oppression des Autochtones. La mémoire collective a fait de la figure du pionnier, qu’il soit explorateur, missionnaire ou simple habitant, un véritable héros culturel.» Mais aux 19e et 20e siècles, beaucoup change avec l’alliance entre les gouvernements et les églises: on fonde un réseau de pensionnats pour briser la continuité générationnelle et détruire les cultures autochtones, précise Jean-François Lozier. De tout temps, les missionnaires avaient voulu remplacer les cultures autochtones par la culture occidentale. Jusqu’alors, ils n’en avaient pas été capables.» Les Franco-Albertains ont été sensibilisés à cette réalité en 2017. Lors qu’ils ont commencé à planifier les célébrations du centenaire de l’Association canadienne-française de l’Alberta, ils se sont heurtés à des enjeux de réconciliation avec les autochtones: les fondateurs francophones sont des pères oblats. «La discussion est différente au Manitoba à cause des liens entre les Métis et les francophones, explique Denis Perreaux, directeur général de la Société historique francophone de l’Alberta. Ici, on est loin l’un de l’autre. Si on célèbre nos fondateurs, on ne peut pas le faire en niant le rôle des oblats dans les écoles résidentielles.» Le professeur Lozier reconnaît l’idéal de la réconciliation, mais il estime qu’elle n’arrivera pas du jour au lendemain. «C’est un processus et non pas un évènement. On risque de ne pas vivre, nous et nos enfants, ce moment magique. Va falloir y travailler et ce ne sera pas confortable pour qui que ce soit. «La clé dans tout ça, c’est de trouver des occasions d’entrer en relation et d’interagir, en tant que non-Autochtone, avec des individus qui ont grandi dans les réserves ou des Autochtones de souche récente.» - Francopresse