La politique dans les hôpitaux
L’opposition officielle a soulevé un débat intéressant que l’on pourrait résumer par une question: nos hôpitaux devraient-ils servir de lieu de conférences de presse pour nos politiciens en manque de visibilité?
Les progressistes-conservateurs se sont insurgés à la suite d’une annonce gouvernementale portant sur les temps d’attente en santé. Enfin, «annonce» est une façon de parler, le gouvernement Gallant ayant annoncé un plan pluriannuel sans préciser la durée, le coût ou les objectifs dudit plan...
La conférence de presse a eu lieu dans une salle de traumatologie de l’Hôpital régional Dr-Everett-Chalmers de Fredericton, ce qui a poussé le député Brian Macdonald à qualifier l’événement «d’usage inapproprié des ressources gouvernementales».
Il a ajouté que ces ressources existent pour venir en aide aux Néo-Brunswickois, «pas pour faire des séances de photos pour promouvoir les objectifs du gouvernement».
Là-dessus, le député Macdonald a raison, et mille fois plutôt qu’une. Le premier ministre Brian Gallant mérite ces critiques. Mais il n’est pas le seul. Tous les premiers ministres du Nouveau-Brunswick depuis les années 1960 se sont rendus coupables de cette pratique.
M. Gallant n’a rien inventé. Autant les libéraux que les conservateurs ont effectué au cours des années de multiples événements médiatiques dans les hôpitaux, dans les écoles et d’autres lieux du genre.
Il est impossible de faire une liste exhaustive tant celle-ci serait longue, pour ne pas dire interminable. Un rappel, toutefois, qu’à peu près tous les ministres de la Santé ont déjà annoncé des millions de dollars à l’intérieur des murs d’hôpitaux. Parfois, celles-ci avaient lieu dans une salle multifonctionnelle prévue à cet effet. D’autres fois, les politiciens se faisaient prendre en photo à côté de l’appareil, à l’endroit même où il est utilisé.
À la suite de sa controversée réforme de santé, au milieu des années 2000, le ministre progressiste-conservateur Elvy Robichaud avait investi des dizaines de millions de dollars dans l’achat d’appareils médicaux. Pensezvous que toutes ses annonces ont eu lieu dans le vestibule de l’Assemblée législative?
Ses successeurs ne se sont pas privés pour visiter les hôpitaux non plus. Une recherche rapide dans les archives de l’Acadie Nouvelle nous a permis de trouver des dizaines d’articles et de photos mettant en vedette des ministres comme Brad Green, qui s’est rendu à l’hôpital de Bathurst en mai 2006 afin d’inaugurer un nouvel appareil d’imagerie par résonnance magnétique et serrer la pince des techniciennes en radiation médicale présentes ce jour-là.
Ce désir des politiciens d’être vu en compagnie «du vrai monde» ne se limite évidemment pas aux sorties dans les hôpitaux. Nous les voyons chaque année dans les écoles, les amphithéâtres, les salles de spectacle, les églises et plus encore.
Si nous voulons être honnêtes, il faut avouer que nous sommes tous, collectivement, responsables de cette situation. Un premier ministre qui se contenterait d’agir à partir de son bureau dans la capitale se ferait rapidement accuser de diriger du haut de sa tour d’ivoire et d’avoir peur de rencontrer les contribuables.
Un premier ministre est-il vraiment la personne la plus apte à faire la lecture à des enfants d’une garderie? Est-ce réellement une bonne utilisation des deniers publics et du temps de nos politiciens que de leur faire préparer des hamburgers sur un barbecue pendant un festival? Bien sûr que non.
Ce sont pourtant des images dont nous serons témoins d’ici la fin de l’année, et en particulier pendant la campagne électorale. Même le chef progressiste-conservateur Blaine Higgs, qui ne nous semble pas particulièrement friands de ce genre de situations, devra se prêter au jeu.
Les annonces dans les hôpitaux sont d’une nature un peu plus délicate. Les ressources en santé sont précieuses. Le médecin ou l’infirmière qui parle au micro ou qui applaudit dans la salle n’est évidemment pas au chevet d’un patient, où il serait pourtant plus utile.
Entendons-nous aussi sur le fait que les gouvernements ont le devoir d’agir de façon responsable. Le jour où une salle d’urgence ou une salle d’opération sera interdite d’accès aux patients afin de permettre à des politiciens de faire une photo op n’arrivera sans doute jamais. Mais si ça devait être le cas, il est clair que quelqu’un devra rendre des comptes.
En ce qui a trait à l’annonce à l’hôpital de Fredericton, le gouvernement a précisé que tous les participants à l’événement étaient prêts à quitter les lieux dans un délai de 5 minutes en cas d’urgence et qu’une autre salle aurait pu alors les accueillir. Cela nous semble être une mesure raisonnable.
Une autre annonce en matière de santé a eu lieu lundi matin, cette fois au Moncton Hospital. Coïncidence ou pas, celle-ci a eu lieu dans l’atrium de l’établissement, loin des patients, ce qui a du coup évité une nouvelle controverse.
Tout est une question d’image. Maximiser l’impact médiatique d’une annonce tout en limitant le nombre de critiques est un art que maîtrisent généralement très bien les équipes de communications gouvernementales.