AU GRAND ÉCRAN: LE CRI DE RALLIEMENT D’UNE GÉNÉRATION
La Panthère noire (Black Panther) n’est pas un film conventionnel de l’univers Marvel. Et c’est tant mieux.
Ce que le jeune réalisateur Ryan Coogler
(Creed, Fruitvale Station) nous offre est probablement ce qui s’approche le plus de The Dark
Knight (2008). Comprenons-nous bien, La Panthère noire n’a pas la complexité, l’intensité, la résonnance et les qualités visuelles du chef d’oeuvre de Christopher Nolan (encore moins le Joker d’Heath Ledger), mais c’est certainement le film de Marvel dans lequel les notions du bien et du mal sont les moins bien définies.
Pour une fois, tout n’est pas noir ou blanc. Les héros sont imparfaits et doutent. Les méchants sont dotés d’une conscience et ne sont pas égoïstes, irrationnels, cupides et unidimensionnels.
L’humour y est aussi un peu moins présent, ce qui n’en fait pas un film noir pour autant. Mais dans le modèle actuel de Marvel, c’est le film le plus subtil du géant. Assurément celui qui porte le plus à la réflexion.
UN ROYAUME ET SON SOUVERAIN
Le royaume de Wakanda est un petit pays africain, camouflé dans les montagnes, qui est gouverné et défendu par un guerrier/souverain qui porte le nom de Black Panther.
Ce royaume, coupé du monde et très avancé technologiquement, tire ses richesses d’un imposant gisement de vibranium, un métal extraterrestre dont les propriétés sont uniques.
Une semaine après le décès de son père (dans Capitaine America: La guerre civile), T’Challa (Chadwick Boseman) est couronné roi.
Le règne du jeune monarque sera toutefois rapidement mis à mal par les ambitions des auteurs d’un vol de vibranium (ainsi que leurs descendants), survenu près de 30 ans plus tôt.
DU MOINS BON
Avant de revenir sur les nombreuses qualités de La Panthère noire, finissons-en tout de suite avec les quelques décevantes facettes du film, à commencer par son côté bon-enfant.
Oui, l’oeuvre de Coogler est ambiguë, mais c’est aussi un rejeton de Disney, avec son ton léger, ses éléments magiques et fantastiques, ses clichés, ses couleurs vives et son embarrassante peur du sang. La Panthère noire est donc un film qui aborde des thèmes adultes dans un véhicule familial. Dans l’ensemble, Coogler a bien su naviguer dans ce nid de guêpes. Reste qu’on est en droit de se demander quel chef d’oeuvre le jeune homme aurait pu produire s’il n’avait pas eu à se plier au très rigide cadre imposé par papa Walt…
Les scènes d’action sont aussi un peu décevantes. Les deux principales batailles semblent tirées de Casino Royale (2006) et de Braveheart (1995), respectivement, alors que la Panthère noire et ses griffes de vibranium ne font rien que Wolverine ne nous a pas déjà montré depuis 20 ans.
UNE PANTHÈRE GRISE
La Panthère noire n’en est pas moins un des meilleurs films de l’univers Marvel, principalement en raison des dilemmes éthiques qu’il soulève.
T’Challa souhaite que son royaume en soit un de paix, un endroit où la culture wakandaise puisse s’épanouir sans subir d’influence étrangère. Il souhaite aussi que le vibranium demeure entre les mains de son peuple, qui en utilise les vertus pour l’avancement de la science et la protection du royaume.
Tous ne sont toutefois pas de l’avis du nouveau roi. Ses opposants souhaiteraient que le Wakanda utilise ses richesses, son savoir et surtout ses armes afin de venir en aide au reste du continent africain et aux 2 milliards de Noirs qui sont sous le joug de l’oppresseur blanc.
Le grand accomplissement de Coogler, c’est qu’il parvient à nous convaincre que les deux points de vue se valent. On passe donc la dernière heure de l’oeuvre à se dire que peu importe qui de T’challa ou de ses adversaires l’emportera, une des deux options ne se réalisera pas et, qu’au fond, le vainqueur aura à la fois tort et raison.
PUISSANT
Film de l’ère post-911, The Dark Knight jouait sur plusieurs niveaux, notamment sur la peur reliée au caractère imprévisible, anarchique et arbitraire du terrorisme.
La Panthère noire est aussi un film de son époque, époque où des chefs d’État entretiennent volontairement les tensions entre races et où, dans certains milieux, le fait de venir en aide à des réfugiés est vu comme une menace au tissu et à l’équilibre social.
C’est également un film à la portée humaine énorme.
Tout d’abord parce que la principale scientifique et la générale de l’armée de Wakanda sont des femmes, prouvant que cette nation est aussi avancée socialement que technologiquement.
Mais si le film risque de s’ancrer très profondément dans la culture populaire, c’est surtout en raison des points qu’il soulève concernant la place des Noirs (et des autres minorités) dans la société. Il ne fait aucun doute à mes yeux que La
Panthère noire pourrait devenir un cri de ralliement pour toute une génération de Noirs, de la même façon que les discours et les accomplissements de Martin Luther King, de Malcolm X et de Barack Obama l’ont été pour les plus âgés.