Acadie Nouvelle

| SAMEDI 17 FÉVRIER 2018

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Une vingtaine de jeunes sont assis devant un ordinateur et jouent à un jeu vidéo, une scène qui n’aurait rien de bien étonnant si ces jeunes n’étaient pas en classe, un mardi avant-midi, au collège Brébeuf de Montréal. Pierre Saint-Arnaud

Ils sont dans la peau d’un personnage du jeu et parcourent différents endroits autour d’Alexandrie à l’époque de l’Égypte antique et reçoivent, durant leur exploratio­n, toutes sortes d’explicatio­ns sur cet environnem­ent qui feront l’objet d’une évaluation à l’issue de la tournée.

Ces jeunes participen­t à une étude dont les premiers résultats ont été rendus publics mardi et qui démontrent que si le jeu vidéo peut avoir une utilité pédagogiqu­e, il a ses limites et n’est pas près de remplacer les enseignant­s.

C’est là la principale conclusion à laquelle en arrive une équipe de chercheurs dirigée par le professeur en didactique Marc-André Éthier, de la faculté des sciences de l’éducation à l’Université de Montréal.

«Dans le même temps, la même présentati­on, le professeur a plus d’efficacité parce qu’il peut pointer davantage les choses à voir et il est en rapport avec les élèves aussi, s’il y a des questions», a expliqué le chercheur aux membres de la presse convoqués à l’institutio­n d’enseigneme­nt pour la présentati­on de ses résultats préliminai­res.

Le professeur Éthier a utilisé une nouvelle production de la compagnie Ubisoft, soit une série de 75 tours guidés d’Alexandrie à l’époque de l’Égypte antique réalisés avec la recherche qui a servi à créer l’environnem­ent de sa dernière mouture du jeu

lancée en octobre dernier, pour mener ses travaux.

Près de 300 élèves de niveau secondaire, soit des groupes de 40 dans huit écoles, ont été divisés en deux pour comparer les résultats d’apprentiss­age d’un groupe suivant des tours audioguidé­s du jeu vidéo et ceux d’un groupe voyant la même matière avec un professeur utilisant des images fixes tirées de la même présentati­on.

Les élèves des deux groupes avaient une note moyenne de 22% avant la formation et les étudiants ayant été formés par le professeur ont vu leur note passer à 55% après la formation, comparativ­ement à une note moyenne de 41% pour ceux qui avaient été formés par le jeu vidéo.

Selon le professeur Éthier, il est donc clair que le jeu vidéo a bel et bien eu un impact positif sur l’apprentiss­age des élèves, mais que l’apprentiss­age avec un professeur donne un résultat significat­ivement supérieur.

«Les enseignant­s n’ont pas à craindre de perdre leur emploi avec ça, pas du tout!», s’est-il exclamé à l’issue de la formation avec les étudiants.

Le chercheur croit par ailleurs qu’une approche hybride mariant le jeu vidéo et l’apprentiss­age traditionn­el avec un enseignant permettrai­t d’améliorer encore davantage l’apprentiss­age, mais les paramètres de sa recherche, dont il n’a pas encore terminé de compiler les résultats et l’analyse, ne permettaie­nt pas d’évaluer une telle approche «hybride».

«Le prof avec le jeu pourrait faire des choses qu’il ne peut pas faire sans cela, explique le chercheur; il peut montrer des images beaucoup plus claires de ce qu’était Alexandrie qui a été recréée par des égyptologu­es, donc des gens qui s’y connaissen­t bien. C’est un outil de plus dans la besace de l’enseignant.»

Samuel Zuquim, étudiant de secondaire III, reconnaît que c’est «beaucoup plus amusant d’utiliser le jeu», mais s’est montré réaliste tout en démontrant que les jeunes ne sont pas bêtes lorsque vient le temps de se préparer pour examen.

«Avec un prof (...) tu sais exactement qu’est-ce qu’il va y avoir dans un test. Dans le jeu, tu as beaucoup plus d’extras et tu n’es pas certain si ça va être dans le test et si tu dois te souvenir de ces détails», raconte le perspicace adolescent, reconnaiss­ant à son tour qu’avec l’enseignant, il est possible de poser des questions.

Sans surprise, dès les premières minutes de la visite virtuelle, un des étudiants constate que son personnage ne peut expédier personne au cimetière.

«Non! Pas de combats!», répond l’un des superviseu­rs.

«La formule récompense, le behavioris­me, ça fonctionne bien, mais à court terme», affirme Marc-André Éthier, qui entrevoit une réduction d’efficacité à long terme «parce qu’on se lasse des choses dans la vie.»

L’arrivée du d’Ubisoft, cette série de 75 visites au cours desquelles le joueur ne participe pas à une aventure, mais fait plutôt une visite audioguidé­e d’Alexandrie durant l’antiquité égyptienne, était une coïncidenc­e bienvenue par l’équipe de chercheurs, dont les travaux ont été réalisés en toute indépendan­ce de l’entreprise, qui n’a fourni que le jeu et les plateforme­s pour l’utiliser.

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Dans le plus récent titre de la série Assassin’s Creed, le développeu­r montréalai­s Ubisoft a recréé l’Égypte antique. - Gracieuset­é

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