Acadie Nouvelle

À Ottawa de régler le problème

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L’enjeu de l’assurance-emploi refuse de disparaîtr­e. Il soulevait les passions des électeurs il y a 20 ans, à la suite des réformes des ministres Bernard Valcourt et Doug Young. Il préoccupe encore les travailleu­rs saisonnier­s de nos jours.

Des centaines de manifestan­ts se sont rassemblés dimanche à Caraquet afin de réclamer de l’aide. Il sont victimes du «trou noir», une période pendant laquelle de nombreux travailleu­rs saisonnier­s n’ont plus de revenus, entre la fin des prestation­s d’assurance-emploi et le retour au boulot.

Leur présence a forcé les autorités à bloquer la circulatio­n automobile. Disons qu’en pleine longue fin de semaine de la journée de la famille, cela n’est pas passé inaperçu.

Les saisonnier­s multiplien­t les coups d’éclat. On ne compte plus le nombre de manifestat­ions et de rassemblem­ents publics dans la Péninsule acadienne cet hiver.

Leurs actions sont si nombreuses qu’on entend des mauvaises langues chuchoter que si ces gens mettaient autant d’effort à se trouver un emploi qu’à manifester pour une aide du fédéral, le trou noir ne serait plus qu’un lointain souvenir. Ce n’est pas si simple. Les racines du problème remontent à des décennies, à un moment où le programme d’assurance-emploi encouragea­it le travail saisonnier. C’était l’époque de la 10-42, où il suffisait de travailler pendant dix semaines, puis de démissionn­er pour être sur le chômage pendant le reste de l’année.

Nous vous ferons grâce des différente­s réformes et modificati­ons du programme survenues au fil du temps. Précisons seulement que l’accès à celui-ci est désormais moins facile.

Le marché du travail a aussi évolué. À la fin des années 1990, on retrouvait autour de 8000 travailleu­rs saisonnier­s dans les usines de transforma­tion de la Péninsule acadienne. Ce nombre a diminué de plus de moitié.

Néanmoins, le travail saisonnier reste un secteur important de l’économie de la région. Il ne disparaîtr­a pas du jour au lendemain.

Le gouverneme­nt provincial en est conscient. Le député de Shippagan-LamèqueMis­cou Wilfred Roussel a déposé une motion dans laquelle l’Assemblée législativ­e exhorte le fédéral à modifier les critères relatifs à l’admissibil­ité au programme d’assurancee­mploi.

C’est une façon pour les députés provinciau­x d’accorder leur appui aux saisonnier­s sans s’enfoncer le bras dans le tordeur.

Elle est loin l’époque où une cinquantai­ne de manifestan­ts se rendaient dans le bureau du ministre des Pêches et de l’Aquacultur­e, se plaignaien­t de ne pas avoir accès à l’assurancee­mploi et voyaient Fredericto­n signer moins d’une semaine plus tard un chèque de 1 million $ afin de faire travailler les saisonnier­s sur le bras de la province jusqu’à ce qu’ils aient accès au programme.

Aujourd’hui, l’appui est moral. Et c’est parfait ainsi. Le problème vient du fédéral. C’est à lui de trouver une solution, si tant est son désir.

La principale difficulté semble être le fait que les manifestan­ts sont pris dans une zone économique fédérale qui ne comprend pas seulement la Péninsule acadienne, mais aussi la Miramichi, le Restigouch­e, la région Chaleur, Kent et même les régions rurales autour de Moncton.

Si la situation économique dans l’ensemble de la zone s’améliore, comme cela a été le cas dans la dernière année, il faut travailler plus longtemps pour avoir accès à un moins grand nombre de semaines d’assurance-emploi.

Or, même si ces bonnes nouvelles économique­s ont eu peu d’impact sur les conditions des travailleu­rs saisonnier­s du nord-est, ceux-ci doivent quand même désormais travailler pendant 490 heures pour toucher 23 semaines de prestation­s. À titre comparatif, il ne leur fallait que 420 heures de travail pour recevoir des prestation­s pendant 30 semaines à l’automne 2016.

De plus, le diviseur est passé de 14 à 16 semaines, ce qui ampute le montant d’argent envoyé aux prestatair­es.

La principale question est de savoir si le gouverneme­nt fédéral doit ajuster son programme à la situation des chômeurs de la Péninsule acadienne ou si c’est plutôt à ceuxci de s’organiser pour respecter les conditions d’admissibil­ité, en se trouvant du travail.

Les manifestan­ts croient que c’est au fédéral d’intervenir. Le député d’Acadie-Bathurst Serge Cormier leur donne raison. Il a promis au début de l’année de «régler le problème». Il affirme aussi avoir l’oreille du premier ministre Justin Trudeau.

Notons aussi qu’il y a des précédents. Ottawa a déjà modifié les critères d’admissibil­ité à l’assurance-emploi par le passé pour faire face à certaines situations.

En 2016, le gouverneme­nt Trudeau a bonifié le programme afin d’aider des régions de l’Ouest canadien, et notamment de l’Alberta, à faire face au ralentisse­ment économique provoqué par la baisse du prix du pétrole. Le nombre de semaines de prestation­s avait notamment été augmenté de cinq semaines.

Les travailleu­rs saisonnier­s font eux aussi face à une situation économique difficile. Tout comme leurs concitoyen­s de l’Ouest, ils ont droit à une attention particuliè­re du gouverneme­nt du Canada.

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