QUAND LE RÊVE TOURNE AU CAUCHEMAR
Tout parent l’affirme, rien n’est plus douloureux que la perte d’un enfant. Peu importe qu’il soit dans la fleur de l’âge ou qu’il ait été sur le point de voir le jour. Dans ce dernier cas, on parle de décès périnatal.
La force d’un couple se mesure à sa capacité à surmonter les épreuves, dit-on. Certaines renforcent les liens, d’autres les brisent.
Le drame qu’ont affronté Véronique Fournier et son mari, en 2010, les a rapprochés. Cette année-là, ces résidents de Burton, dans le comté de Sunbury, étaient déjà parents de deux enfants.
«Mon rêve a toujours été d’en avoir quatre», confie-t-elle.
Quand elle apprend qu’elle est enceinte de jumeaux, sa joie explose.
«Je n’étais pas surprise. J’avais suivi un traitement pour stimuler l’ovulation et dans ma famille lointaine, il y en avait déjà eu.»
La famille se prépare à accueillir ses nouveaux membres: ce sera un garçon et une fille. L’échographie des neuf semaines montre que la future née a un léger retard de croissance. Véronique Fournier ne s’en inquiète pas. Au bout de 15 semaines de grossesse, son état de santé se dégrade.
«J’ai eu de gros saignements. C’était un décollement du placenta. J’ai eu peur de faire une fausse couche.»
Pour éviter que cela n’arrive, elle reste alitée les jours suivants. L’échographie des 24 semaines révèle sa réalité cruelle.
«J’ai tout de suite vu que ma petite fille n’avait pas de battements cardiaques. Ça m’a figée. J’étais là et pas là à la fois. Je me sentais froide.»
Le développement du garçon reste normal. Il devient la principale préoccupation de la maman.
«C’était naturel pour moi de poursuivre ma grossesse, même dans ces conditions. Je n’avais pas la sensation de porter un poids mort. À mes yeux, ma fille était juste endormie. Elle protégeait son frère, elle s’était sacrifiée pour le sauver.»
Véronique Fournier accouche le 29 décembre, par césarienne.
«Ça m’a aidé dans mon cheminement mental. Si j’avais dû l’expulser par voie naturelle, ça aurait été plus dur psychologiquement.»
Même si l’enfant était morte, les parents ont tenu à la voir, à la toucher.
«Ça nous prouvait qu’elle avait vraiment existé.»
Les mois qui suivent ont été difficiles. Le nourrisson prénommé Arthur a grandi sous l’oeil attendri et protecteur de sa mère. Mais celle-ci restait hantée par ses tourments.
«Je me disais que ma fille aurait dû être là, elle aussi.»
À force, cette pensée persistante a fini par s’estomper, puis disparaître. Le temps est le meilleur remède aux plus profondes blessures. Véronique Fournier et son mari ont tous les deux vécu leur souffrance différemment, et dans un respect mutuel. Elle avait besoin de s’exprimer, lui non.
«Je voulais en parler. Je me suis renseignée. J’ai trouvé un groupe de soutien à Fredericton, mais il était uniquement en anglais. Il n’y a pas de ressources en français dans ce domaine, au Nouveau-Brunswick», déplore la mère de famille.
Elle a extériorisé son ressenti d’une autre façon, par l’écriture.
«Ç’a été une thérapie. Je voulais aussi laisser une trace pour Arthur.»
Pendant longtemps, elle est restée affectée par les événements. Ce qui l’a contrainte à s’y prendre à plusieurs reprises, parfois à mettre ses écrits entre parenthèses.
«Chaque fois que j’y repensais, les émotions remontaient et me submergeaient. Il m’a fallu un moment pour les digérer.»
Véronique Fournier raconte son histoire dans Porter la vie et la mort, un livre paru, en novembre, aux éditions du Québec. Depuis la naissance d’Arthur, un autre bébé est venu combler la famille. Henri a vu le jour en janvier 2013.
Comme elle en rêvait, Véronique Fournier est la maman de quatre enfants.