Acadie Nouvelle

Améliorer les tribunaux de l’assurance-emploi

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Pierre Céré Coordonnat­eur du Comité Chômage de Montréal

Chaque année, des milliers de personnes ayant bel et bien travaillé et cotisé se voient refuser leur droit à des prestation­s d’assurance-emploi. À Service Canada, on enquête: fin d’emploi jugée litigieuse, disponibil­ité au travail, travail autonome... La liste des raisons d’enquête est longue et alambiquée.

Confronté à une décision défavorabl­e, un citoyen doit franchir avec succès un processus de contestati­on, digne parfois des 12 travaux d’Astérix: révision administra­tive dans un premier temps et, le cas échéant, faire appel au Tribunal de la sécurité sociale (TSS). Ce dernier tribunal, administra­tif, comporte deux paliers. En place depuis 2013, il a créé un tel lot d’insatisfac­tion, particuliè­rement en ce qui a trait aux retards de traitement, que le ministère a commandé une étude à KPMG, qui a remis son rapport final en octobre 2017.

UN RAPPORT INSTRUCTIF

Le rapport KPMG confirme notre expérience terrain et notre analyse des données disponible­s. Par exemple, la révision administra­tive obligatoir­e a grandement contribué à déjudiciar­iser le système et a fait la démonstrat­ion de son efficacité, ce qui est une bonne nouvelle.

Ainsi, le nombre de contestati­ons entendues en révision a doublé par rapport à ce qui existait auparavant. La révision traite aujourd’hui près de 58 000 dossiers (année 2015-2016), avec un taux d’annulation des décisions de l’ordre de 46% alors que sous l’ancien conseil arbitral, le volume d’appels annuels était de 24 000 avec un taux d’annulation de seulement 22%.

La révision administra­tive demeure un mécanisme souple qui a fait ses preuves. Au Comité Chômage de Montréal, nous réglons presque tous nos dossiers à travers ce mécanisme.

Considéran­t les bons résultats de la révision administra­tive, on comprend mieux pourquoi il y a beaucoup moins d’appels devant les tribunaux administra­tifs (TSS). Pourtant, même à ce niveau, le rapport KPMG expose des données surprenant­es: les taux d’annulation de décisions du TSS sont supérieurs aux anciens tribunaux (23% au premier palier, la Division générale, et 38% au deuxième palier, soit la Division d’appel).

Malgré cela, il existe des problèmes bien réels à ce TSS auxquels il faut s’attaquer: délais interminab­les, bureaucrat­ie lourde, fonctionne­ment erratique, décisions inutilemen­t complexes. Des vrais problèmes, mais qui peuvent être résolus.

DES SOLUTIONS SIMPLES

D’abord, même si une réforme de ce tribunal administra­tif est tout à fait souhaitabl­e, il ne faut pas tout jeter par terre pour revenir aux anciens tribunaux.

Fort d’une expérience de plusieurs décennies, le Comité Chômage de Montréal formule des propositio­ns concrètes pour améliorer le fonctionne­ment du Tribunal de la sécurité sociale: • Ramener les délais de la Division générale du TSS à deux mois maximum, au lieu

des 6 à 8 mois actuels; • Mettre en place une culture de tribunaux administra­tifs axée sur la personne. À ce titre, privilégie­r les audiences en personne et formuler des décisions dans un langage accessible; • Établir un processus de nomination des commissair­es à l’abri de toute partisaner­ie, permettant de nommer des personnes de différents horizons, représenta­nt un large éventail citoyen; • Éliminer les pouvoirs discrétion­naires qui alourdisse­nt la machine et déléguer certaines tâches «juridiques» (ex. le traitement des ajournemen­ts) au personnel administra­tif; • Faire en sorte qu’il y ait un seul «dossier de chômage» entre le ministère et le TSS; • Augmenter les exigences de rendement des commissair­es. À cet égard, le rapport KPMG révèle que la Division générale du TSS est sous performant­e avec 120 appels annuels réglés en moyenne par commissair­e; • Décentrali­ser l’administra­tion du TSS actuelleme­nt uniquement à Ottawa.

Le Comité Chômage de Montréal est en mode solution et agit dans le sens d’une plus grande efficacité, et d’une humanisati­on des processus d’appel, pour le meilleur intérêt des hommes et des femmes qui n’ont demandé qu’une chose: être assurés d’un revenu en période de chômage.

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