Acadie Nouvelle

Je suis qui je suis, un point c’est tout!

- Vanessa Levesque Grande-Digue

Je dois absolument vous raconter une histoire qui révèle à la fois l’un des actes gratuits des plus dégueulass­es qui m’est arrivé de vivre et l’un des plus touchants. Donc, comme on le dit si bien dans mon coin, attachez votre tuque!

Contre toute attente, je reçois un texto d’une amie me demandant si j’ai des plans pour la soirée, ayant travaillé à la sueur de mon front cette semaine, je propose à cette amie d’aller prendre un verre, tranquille, dans un bar.

Mettons dès le début une chose au clair, je suis ce que l’on peut qualifier de grosse aux regards des normes de cette société. Je fais effectivem­ent de l’embonpoint! J’aime le chocolat et la pizza! En fait, je pourrais vivre pour cette nourriture pourrîtes. Étant consciente des méfaits de cette nourriture sur mon état de bien-être physique et psychologi­que, j’essaie depuis quelques mois de mieux manger et d’instaurer dans mon emploi du temps chargé, une routine sportive. Mais moi, le sport, je n’aime pas ça! J’ai essayé de tout, la Zumba, l’aquaforme, le vélo stationnai­re, le tapis roulant, l’aérobie et j’en passe. Rien ne semble me motiver…

Contre toute attente, ces derniers mois, j’arrive à mieux contrôler mon alimentati­on et j’ai l’heureux plaisir de vous informer que j’ai enfin réussi à perdre quelques kilos. Un exploit!! Je suis donc toute fière d’enfiler ces pantalons qui traînent dans mon armoire et que je n’ai pas réussi à remonter le zipper depuis bientôt quatre ans. On se prépare, on se maquille, on se fait belle et j’arrive à me regarder dans le miroir en appréciant ce que je vois. Ouf, ça fait longtemps! Je me sens bien, j’ai le goût de m’amuser et j’ai besoin de défiler dans ce pantalon pour montrer au reste du monde mon succès. Ce vieux pantalon délaissé depuis quatre ans, je le porte avec fierté.

La soirée se déroule comme un charme. Entre-temps, je reçois le texto d’une autre amie me demandant de la rejoindre dans un autre bar. La chanceuse, elle est aux prises de cinq hommes et seule de la gent féminine. On la rejoint donc et le reste de la soirée file rapidement! Ça fait trop longtemps que je me suis amusée ainsi. La cloche sonne la fermeture des bars et nous décidons d’aller manger un petit snack avec tout ce beau monde.

Nous sommes donc huit assis autour de cette petite table en discutant de tout et de rien. J’ai à mes côtés, mes amies, le copain de l’une d’entre elles et les quatre amis du copain de mon amie que je ne connais pas. Avoir su, j’aurais passé mon tour! En discutant, on apprend, qu’ils sont tous en couple, l’un d’entre eux sera même bientôt papa.

Ayant bu assez de liquide au cours de la soirée, un besoin urgent m’appelle, je dois aller au petit coin! Excusez les détails, mais c’est important pour bien comprendre le cours de l’histoire. Étant coincé entre un mur, la table et mes kilos en trop, je ne peux sortir pour me rendre à la salle de bain. Je mentionne à mon amie qu’elle doit bouger pour me laisser sortir. Elle pousse donc sa chaise contre la table et j’arrive tant bien que me mal à me faufiler entre le mur, mon amie, la chaise, la table et les kilos en trop.

Selon les dires de mon amie, c’est à ce moment que les quatre imbéciles immatures ont l’heureux malheur de glousser. Ma grande amie au corps de déesse et au coeur immense réalise que quelque chose cloche. Voyant ces quatre hommes dans la trentaine rire dans leur barbe, elle comprend ce qui se passe et décide de les confronter. Pendant ce temps, je suis à la salle de bain et je me dis que j’ai passé une très belle soirée.

Donc, elle leur demande ce qu’il y a de si drôle. Il semble que ces quatre hommes dans la trentaine tardive trouvent que mes kilos en trop sont hilarants. En fait, il semble que c’est ma personne au complet qui les fait marrer. Pour vous dévoiler un portrait clair de ma personne qui semble en faire marrer plusieurs, je suis, comme mentionné antérieure­ment, grosse. J’ai des kilos en trop! Je ne suis définitive­ment pas le modèle typique de la femme idéalisé dans les médias sociaux. Je ne suis absolument pas soumise, j’ai des opinions et je n’ai pas peur de les partager! Je crois en l’égalité des sexes. Je suis contre les normes qui érigent le profil de la superfemme comme étant celle qui a le devoir de s’occuper des enfants, de leurs activités parascolai­res, des tâches ménagères, qui doit faire attention à ce qu’elle mange, qui doit être sexy, mais pas trop. Les moules, c’est clair, je les haïs! D’ailleurs, dans le cadre de mon travail, je les détruis. Je suis une féministe et je ne crois absolument pas que mon sexe définit qui je suis en tant que personne, encore moins en tant que femme. Je suis qui je suis, un point c’est tout! Pour être parfaiteme­nt honnête, ça me lève le coeur que quatre imbéciles immatures dans la trentaine avancé se permettent de m’abaisser parce que je n’entre pas dans le moule de la femme médiatisé.

Pour en revenir à notre histoire, j’étais à la salle de bain et j’arrive finalement à la table pour réaliser qu’elle est à moitié vide. Les quatre amis de mon amie sont assis à une autre table. Je sens la tension dans l’air. Mon amie a les larmes aux yeux et elle semble être en colère. Tout le monde évite mon regard. Je leur demande pourquoi la table est à moitié vide et personne ne semble vouloir me répondre. Après quelques instants, mes amies m’expliquent ce qui vient de se produire. Elles me révèlent qu’elles ont mis les gars à leur place et qu’à la suite de leur propos indigne envers ma personne, elles ont exigé qu’ils s’assoient ailleurs.

J’en suis estomaqué. Dans l’espace de dix minutes, je suis tombé en bas de ma chaise en réalisant que le manque de respect et les propos dégueulass­es gratuits, ça ne se passe pas seulement dans les écoles. Je suis également très touché de voir la solidarité et l’amour dans les yeux de mes amies. Je dois avouer que je suis habituelle­ment celle qui défend les autres et pour la première fois de ma vie, c’est l’inverse! J’ai encore de la difficulté à croire ce qui s’est passé et bizarremen­t, je ne ressens pas la colère que j’imaginais ressentir. Mon coeur est rempli d’amour!

Mes amies qui me trouvent parfois extrémiste avec mes idées arrêtées quant au sort de la femme et à sa place au sein de la société ont crié haut et fort pour me défendre. Elles n’ont même pas hésité! Je ne peux dire à quel point je suis fière d’elles.

Je m’assois ici pour vous écrire mon histoire et je pense aux suffragett­es qui ne l’ont pas eu facile avant nous, qui ont été solidaires pour revendique­r nos droits, qui ont souffert dans le processus.

Il est clair que nous avons encore du chemin à faire pour atteindre l’égalité des sexes. Mais aujourd’hui, je déborde de fierté et d’espoir! Une bataille à la fois… Ah oui!, mes quatre imbéciles immatures, que l’année vous apporte sagesse et respect à la tonne. Grâce à vos propos dégueulass­es, j’ai fait une grande réalisatio­n. Je ne vous dirai quand même pas merci pour les insultes gratuites, mais j’ose espérer que vous avez, vous aussi, appris de ce malheureux événement.

Je mérite mieux que ça, nous méritons mieux. Soyons solidaires… dites non à la violence!

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