Protection de l’eau: un jugement du Québec salué au N.-B.
Le jugement en faveur de la municipalité de Restigouche-Sud-Est en Gaspésie, traînée en cour par la pétrolière Gastem, est chaudement applaudi par l’Association francophone des municipalités du Nouveau-Brunswick.
L’organisme provincial y voit notamment une forme de reconnaissance de la gouvernance municipale.
«On reconnaît la municipalité comme étant un véritable palier de gouvernement. Et c’est d’autant plus précieux que ça ne vient pas du fédéral ni du provincial, mais des tribunaux», souligne Frédérick Dion, directeur général de l’AFMNB.
Plus tôt cette semaine, une juge de première instance du Québec a donné raison à la petite municipalité gaspésienne de 160 habitants dans le litige qui l’opposait à Gastem.
L’entreprise, rappelons-le, poursuivait la municipalité pour 1,5 million $ après que celle-ci eut adopté (en 2013) un arrêté plus strict afin de protéger sa source d’eau potable. Cette réglementation, qui interdisait tout forage à moins de deux kilomètres de tout puits artésien ou de surface, a du coup forcé Gastem à cesser ses travaux dans ce secteur. De là, la poursuite en dommage.
Du côté de la municipalité, on a toujours allégué qu’il s’agissait là d’une poursuite abusive destinée à faire reculer les élus dans leur décision.
Ce bras de fer de plus de quatre ans vient donc de se terminer avec une décision en faveur de la municipalité. La cour a également ordonné à la pétrolière de verser 164 000$ à la municipalité pour couvrir les différents frais encourus par la procédure juridique.
Applaudie par l’Union des municipalités du Québec, cette victoire trouve également écho au Nouveau-Brunswick.
«La municipalité a réussi un tour de force. Elle a réussi à faire valoir son autorité et sa capacité à protéger sa source d’eau. Et ça risque bien d’inspirer beaucoup d’autres municipalités», croit M. Dion, allant même jusqu’à parier que le jugement fera jurisprudence.
Selon lui, l’une des responsabilités premières des municipalités est l’aménagement de son territoire, décider des règles entourant son développement.
«S’assurer et protéger l’accessibilité d’une eau de qualité à ses citoyens fait partie de ces responsabilités fondamentales», estime M. Dion, appuyant du coup les efforts de la municipalité de Ristigouche-Sud-Est en ce sens.
«Pour eux, c’est une immense victoire. Mais ce l’est aussi pour tout le mouvement municipal puisque cette victoire risque de déborder des frontières de la Gaspésie et même du Québec. Car même s’il s’agit d’une décision rendue dans le cadre de la législation québécoise, on peut penser que cette cause aura un impact au niveau national», ajoute-til.
Selon lui, la victoire relève du principe de subsidiarité, soit que la responsabilité d’une action publique – lorsqu’elle est nécessaire – revient à l’entité compétente la plus proche de ceux qui sont directement concernés. Dans ce cas-ci, la municipalité de Ristigouche-Sud-Est était (selon le jugement) la plus compétente afin de déterminer la façon de protéger sa source d’eau, plus compétente même que la législation provinciale.
Reste maintenant à voir si l’entreprise portera ou non le jugement en appel, une possibilité très probable selon M. Dion.
«Il s’agit d’un enjeu très important. Je ne serais pas surpris que cela se règle en Cour suprême», dit-il.