Acadie Nouvelle

«Viola Desmond a été bien en avance sur son temps»

La Banque du Canada a dévoilé jeudi le billet de 10$ à l’effigie de la militante néo-écossaise

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Le courageux geste de désobéissa­nce civile de Viola Desmond, longtemps ignoré de la plupart des Canadiens, est maintenant immortalis­é sur un nouveau billet.

La Banque du Canada a dévoilé jeudi à Halifax son nouveau billet de 10$, qui montrera pour la première fois une autre femme que la reine: la militante pour les droits des Noirs Viola Desmond.

Le billet de polymère, tout premier billet orienté «à la verticale», montre un portrait de Viola Desmond sur une carte historique du quartier North End de Halifax où elle a vécu; le verso du billet est illustré du Musée canadien des droits de la personne, à Winnipeg. Il sera émis «vers la fin de 2018», indique la Banque.

Dans le cadre de la Journée internatio­nale des femmes, jeudi, le ministre des Finances, Bill Morneau, a souligné le caractère doublement symbolique de ce billet, qui salue non seulement le courage d’une femme, mais aussi celui d’une Noire.

Le 8 novembre 1946, dans un cinéma de la Nouvelle-Écosse, Viola Desmond refuse de quitter le parterre, réservé aux Blancs, pour gagner le balcon, réservé aux Noirs. Traînée hors du cinéma par la police, elle est arrêtée puis détenue pendant 12 heures, avant d’écoper d’une amende. Près de 10 ans plus tard, aux États-Unis, Rosa Parks posera le même geste militant, cette fois dans un autobus de l’Alabama.

Russell Grosse, directeur du Centre culturel des Noirs de la Nouvelle-Écosse, estime que «ce signe d’appartenan­ce de la communauté afro-canadienne était attendu depuis longtemps».

«Le lancement de ce billet envoie un message fort aux gens d’origine africaine: le Canada nous accepte enfin. Nous faisons partie de ce pays», a-t-il soutenu.

Selon M. Grosse, la ségrégatio­n raciale et la discrimina­tion systémique ont marqué l’histoire de la Nouvelle-Écosse, même si les Canadiens ne veulent pas toujours le reconnaîtr­e.

«Beaucoup d’Afro-Canadiens l’ont déjà vécue», ce qui rend le billet à l’effigie de Viola Desmond d’autant plus important pour cette communauté.

«C’est une histoire remarquabl­e: cela démontre à quel point la société a changé.»

M. Grosse admet que la peur des différence­s et de la diversité est toujours présente, mais ces enjeux peuvent maintenant être débattus au grand jour.

Le geste de Viola Desmond est demeuré dans l’ombre de l’Histoire pendant plus de cinquante ans, jusqu’à ce que son portrait figure sur un timbre, en 2012; on a aussi baptisé un traversier de Halifax en son honneur.

Toronto songe à nommer un parc à sa mémoire, et Montréal pense à lui offrir une rue.

Isaac Saney, chargé de cours au programme d’études des Noirs de l’Université Dalhousie, estime que de nombreux Canadiens ignorent l’esclavage et la ségrégatio­n qui ont existé au pays.

Le nouveau billet de 10 $ pourrait contribuer à instruire les Canadiens, selon lui.

«Viola Desmond a posé ce geste courageux toute seule (...) sans une organisati­on ou un mouvement derrière elle, souligne M. Saney. Elle a été bien en avance sur son temps.»

Mme Desmond est morte à l’âge de 50 ans, en 1965, trop tôt pour recevoir les excuses officielle­s du gouverneme­nt de la Nouvelle-Écosse - et obtenir un pardon de la justice canadienne pour son «délit»

«On sait plus de choses sur Rosa Parks que sur Viola Desmond», dit-il. On sait plus de choses sur Martin Luther King que, disons, sur W.P. Oliver (le militant William Pearly Oliver, de la Nouvelle-Écosse).»

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- La Presse canadienne: Darren Calabrese Wanda Robson admire le nouveau billet de 10$ à l’effigie de sa soeur Viola Desmond en compagnie du ministre fédéral des Finances, Bill Morneau.

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