Acadie Nouvelle

Faut-il moderniser la langue française?

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Entre ceux qui conçoivent les évolutions linguistiq­ues comme des dégradatio­ns ou des appauvriss­ements et ceux qui plaident pour la modernisat­ion du français à des fins pratiques, le débat sur la qualité de la langue n’a pas fini de diviser. Faut-il embrasser le changement linguistiq­ue ou s’en préserver ? Lucas Pilleri

Pour Anne-Marie Beaudoin-Bégin, spécialist­e de la sociolingu­istique historique du français québécois, les règles du français sont parfois une entrave à la bonne communicat­ion.

Dans son récent ouvrage

celle qui aime se surnommer l’insolente linguiste défend la libre évolution de la langue.

Elle accueille par exemple la disparitio­n du «ne» dans les négations à l’oral comme une évolution positive.

«C’est l’idée d’économie linguistiq­ue, indique-t-elle, concept selon lequel on dit le plus de choses avec le moins d’efforts possible.»

La linguiste refuse toute critique de paresse ou de nivellemen­t par le bas.

S’intéressan­t avant tout à «l’efficacité» de la langue, elle estime que «le respect de certaines règles ne relève pas de la communicat­ion, mais plutôt de la promotion sociale».

Elle dénonce ainsi le manque de permissivi­té morale dont sont victimes les locuteurs francophon­es, à l’instar des jeunes. Une attitude culpabilis­atrice peut d’après elle les amener à se détourner du français.

«L’anglais est plus attrayant car il donne plus de libertés. Avec le français, dès qu’on sort du cadre, on se fait accuser de parler un “mauvais français”», explique-t-elle.

Définie comme «un malaise, une peur face aux correction­s, au jugement et aux commentair­es désobligea­nts» par Mélodie Hallé, directrice adjointe à la Fédération de la jeunesse canadienne-française (FJCF), l’insécurité linguistiq­ue s’est trouvée au coeur des débats lors du 3e Sommet de l’éducation organisé du 4 au 6 mai à Edmonton, à Ottawa et à Moncton.

Impliqué, le commissair­e aux services en français de l’Ontario, François Boileau, s’interroge sur l’ampleur du phénomène.

«Combien de personnes avons-nous rencontrée­s qui se sentent intimidées de parler en français parce qu’elles sont persuadées que leur français n’est pas assez bon?», écrit-il sur son blogue.

Dans un contexte où «le français internatio­nal domine», Mme Hallé appelle «à plus de valorisati­on des différents français». Ancien propriétai­re du journal ontarien

Omer Cantin a vu défiler plusieurs génération­s de journalist­es et a constaté la détériorat­ion progressiv­e de leur français. La faute en reviendrai­t aux réseaux sociaux qui «maltraiten­t la langue».

Aussi est-il surpris de voir resurgir la vieille pratique de l’écriture phonétique: «Les aînés écrivaient au son et c’est revenu avec le phénomène du texting!»

Pour Mathieu Bock-Côté, chroniqueu­r et blogueur, «mieux vaut lire les classiques et avoir une langue qui leur est proche que le parler mou des médias contempora­ins».

Ainsi, le sociologue n’admet pas « l’absence de hiérarchie dans la langue» et estime que toutes les formes linguistiq­ues ne se valent pas.

«On ne devrait pas avoir une vision insouciant­e du devenir de la langue», avise-t-il, tout en invitant à «imposer le français dans son excellence et non pas dans sa version avachie, décomposée».

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Sophie Brassard, vice-présidente de la FJCF, Rachel Delorme, représentante de la Colombie-Britanniqu­e à la FJCF, et Justin Johnson, président de la FJCF. Gracieuset­é

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