L’échec de Michel Cormier
Le directeur général de l’information de Radio-Canada, Michel Cormier, prendra sa retraite cet été. Près de six ans après sa nomination, force est de constater que la présence d’un Acadien à ce poste stratégique n’a pas permis de sortir Radio-Canada de sa bulle montréalaise.
Michel Cormier fait partie des meubles radio-canadiens. Il est à l’emploi de la télévision publique depuis déjà trois décennies. Il s’est surtout fait connaître du grand public à titre de correspondant étranger à Paris, à Pékin et à Moscou. Il a d’ailleurs rédigé des livres à propos de ses expériences et de ses observations dans ces deux dernières capitales.
M. Cormier a été nommé directeur de Radio-Canada Acadie en juin 2011. Il n’a pas tardé à faire sentir sa présence en forçant le populaire Abbé Lanteigne à céder son poste de chef d’antenne du Téléjournal
Acadie après 19 ans de service. Moins d’une année après son embauche, M. Cormier provoquait une nouvelle onde de choc, cette fois en quittant son poste afin de diriger le secteur de l’information du diffuseur public à Montréal.
Son départ précipité avait fait écarquiller les yeux en Acadie, mais aussi à Montréal. Son prédécesseur Alain Saulnier n’occupait ce poste que depuis environ six ans et jouissait du respect de la salle de rédaction.
Si le communiqué de presse annonçait que M. Saulnier quittait ses fonctions, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec et le syndicat des employés de Radio-Canada n’avaient pas tardé à parler de congédiement déguisé.
Bref, la promotion de Michel Cormier n’avait pas été particulièrement bien accueillie.
En Acadie, plusieurs personnes s’étaient cependant réjouies publiquement de la nomination d’un directeur en provenance de l’extérieur de Montréal.
La Société de l’Acadie du Nouveau-Brunswick et la Société nationale de l’Acadie avaient vu là un signal que cette embauche mènerait à un plus grand respect du mandat national de Radio-Canada. L’éditorialiste Jean Saint-Cyr avait écrit dans nos pages qu’il était temps que quelqu’un rappelle à la salle de rédaction de Radio-Canada à Montréal le mandat fondamental du diffuseur public. «Nous anticipons que cette personne sera Michel Cormier», avait-il tranché. Tout ce beau monde avait tort. Il ne suffit que d’avoir jeté un oeil ces dernières semaines à RDI, qui a consacré des après-midis complets à suivre les rebondissements au sein du Bloc québécois (un parti qui ne compte désormais que trois députés) pour constater que la dépendance du réseau «national» à tout ce qui touche le Québec en général et Montréal en particulier est plus forte que jamais.
Cela n’a jamais été aussi évident que le soir du 4 juin 2014, quand un homme a pris les armes à Moncton et a abattu trois policiers, en plus d’en blesser deux autres. Radio-Canada s’est contentée ce soir-là de traiter l’histoire dans son Téléjournal de soirée, sans y accorder plus d’importance.
Personne dans la boîte n’a jugé que le drame de même que la chasse à l’homme qui a suivi à Moncton et dans un quartier assiégé étaient suffisamment importants pour déclencher une émission spéciale à RDI. La présence d’un patron acadien à la rédaction n’avait rien changé aux habitudes de la maison. Le lendemain, Michel Cormier reconnaissait toutefois son erreur. «On en a échappé une», a-t-il déclaré.
Du point de vue acadien, le règne de Michel Cormier peut être considéré comme un échec. Il ne s’est pas opéré le changement de culture et de mentalité rêvé et espéré. Alors que les progrès ont été notables à la radio et même dans le secteur du divertissement (avec des séries télé tournées en Acadie), la présence des communautés francophones hors Québec est restée minime à l’extérieur des bulletins de nouvelles régionaux.
Nous n’aurions pas dû être surpris. En 2011, alors qu’il était encore à Radio-Canada Acadie, M. Cormier avait déclaré dans nos pages que «si on calcule seulement la présence acadienne au Téléjournal de 22h où il y a de la place pour huit reportages sur tout le monde, c’est évident que l’Acadie ne sera pas là très souvent».
Il a quand même réussi de bons coups. La crédibilité du service de l’information a été préservée pendant une période où les compressions budgétaires ont été nombreuses, en raison du gel de financement imposé par le gouvernement Harper.
Radio-Canada a entrepris de rechercher un remplaçant. Peu importe qui sera l’heureux élu, nous ne ferons pas l’erreur cette fois-ci d’attendre un virage de sa part.
Dans six mois, le Nouveau-Brunswick sera en pleine campagne électorale. Ceux et celles qui croient qu’elle obtiendra à RDI ou au Téléjournal national le quart de la couverture qui a été réservée aux péripéties de Martine Ouellet et du Bloc québécois dans les dernières semaines rêvent en couleurs.