Acadie Nouvelle

SCIENCE OU CRUAUTÉ ENVERS LES CHEVREUILS?

- restigouch­e@acadienouv­elle.com @JFBjournal­iste

La présence d’un collier émetteur installé dans le cou de cerfs de Virginie soulève quelques questionne­ments quant à cette pratique qualifiée de cruelle par certains.

Gisèle Cyr et son mari Jeannot accueillen­t chaque année depuis maintenant 25 ans des milliers de curieux à leur chalet situé près du chemin Valcourt à SaintQuent­in. Là, des centaines de chevreuils s’entassent chaque jour d’hiver pour se nourrir du foin des Cyr ou des pommes et des carottes fournies par les touristes. Au printemps, les animaux repartent puis reviennent avec les neiges de novembre.

Dans le troupeau présent chez le couple, on peut observer quelques chevreuils ayant un collier et une petite boîte métallique autour du cou. Il s’agit en fait d’un dispositif de pistage (GPS) installé dans le cadre d’une étude menée conjointem­ent par l’Université du Nouveau-Brunswick et celle de l’État du Maine, en collaborat­ion avec les ressources naturelles et la forestière JD Irving. L’objectif: en apprendre davantage sur le mouvement des troupeaux de chevreuils et la distance que ceux-ci parcourent.

Cette étude, lancée en 2016, est d’une durée de quatre ans. Elle vise à marquer des cerfs de Virginie femelles au NouveauBru­nswick et au Maine. Elle est en soi une réponse aux inquiétude­s de la population en lien avec le déclin du cheptel de chevreuils versus certaines pratiques comme les coupes à blanc et l’arrosage d’herbicides.

«Avec ces émetteurs, on peut suivre leurs déplacemen­ts par radio-télémétrie, au jour le jour. Ça donne une idée de l’habitat qu’ils choisissen­t, quel est leur taux de survie, etc. Ça permet également de voir s’il y a un lien entre leurs mouvements et les opérations forestière­s et différents traitement­s sylvicoles», explique Luc Gagnon, biologiste au sein du gouverneme­nt du Nouveau-Brunswick.

Les Cyr connaissen­t bien le projet. En avril 2016, ils ont autorisé les biologiste­s du ministère à utiliser leur site pour installer des colliers émetteurs sur une vingtaine de chevreuils femelles.

«Quelques mois plus tard, en août, ils sont revenus pour nous présenter quelques données recueillie­s. C’était très instructif. On n’en croyait pas nos yeux de la distance que ces bêtes avaient parcourue», exprime Mme Cyr.

Des chevreuils marqués avaient en effet été repérés à Rivière-Verte, à Edmundston et à Matapédia.

«On savait qu’ils voyageaien­t beaucoup, car l’été on n’en voit pratiqueme­nt pas ici dans la région. Mais qu’ils voyagent aussi loin, ça nous a surpris», avoue Mme Cyr.

MÉTHODE CRUELLE?

Selon M. Gagnon, plus d’une cinquantai­ne de cerfs ont ainsi été marqués depuis le début du programme. Les colliers sont programmés pour tomber d’eux-mêmes (grâce à un déclencheu­r) au bout de trois ans.

Mais voilà, ledit dispositif est l’objet de critiques de la part du public. C’est que chez certains individus marqués, la friction de l’appareil sur le poil est telle que cela a pour conséquenc­e de leur dénuder le cou. Chez d’autres, cela occasionne même des irritation­s cutanées parfois sévères.

«Je conçois mal qu’en 2018 on accepte une telle cruauté dans notre région et qu’on ferme les yeux sans dénoncer», a écrit à l’Acadie Nouvelle une citoyenne du Restigouch­e-Ouest qui préfère conserver l’anonymat, mais qui a pris la peine de joindre certaines photos éloquentes à son message.

Le collier est-il dommageabl­e? Selon M. Gagnon il n’est pas supposé l’être.

Celui-ci explique que le dispositif de pistage est relativeme­nt pesant et qu’il n’est pas installé de façon trop serrée autour du cou de l’animal afin de ne pas nuire à sa croissance.

«Quand les chevreuils se baissent la tête pour manger, le dispositif bouge sur son cou. À la longue, ce frottement répétitif vient à user son poil et, dans des cas rares, à irriter la peau», souligne-t-il.

Il soutient que le collier est utilisé pour différente­s espèces animales, comme le caribou, l’orignal et le chevreuil. Mais il semble que l’irritation survient davantage sur les chevreuils. L’an dernier par exemple, le ministère a dû retirer trois ou quatre colliers sur des chevreuils où l’abrasion était sévère.

«Lorsqu’il y a perte de poil seulement, ce n’est pas un dommage grave qui compromet la santé et la sécurité de l’animal. Quand on voit des problèmes plus sévères par contre, on enlève les colliers. Ça ne sert à rien de faire pâtir des animaux inutilemen­t», explique-t-il.

Pour ce qui est du chevreuil dont les photos circulent sur les médias sociaux, M. Gagnon avoue qu’il n’était pas au courant.

«On remercie les gens d’avoir porté cette situation à notre attention et nous allons envoyer une équipe là-bas cette semaine afin de lui retirer le collier», dit-il.

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Les colliers émetteurs posés à certains cerfs de Virginie provoquent la perte de leur poil au niveau du cou, mais aussi - dans certains cas - des irritation­s cutanées marquées. - Gracieuset­é
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