Une crise qui ne pourra être balayée sous le tapis
Ça ne va pas bien au Collège communautaire du N.-B. Et le conseil des gouverneurs vient d’apprendre à la dure qu’il ne pourra faire l’économie d’une analyse sérieuse du climat de l’organisation, avec au premier chef le leadership de sa présidente-directrice générale Liane Roy.
Les directeurs généraux des cinq campus du CCNB et la directrice à la réussite étudiante ont signé une lettre à l’intention du conseil des gouverneurs de l’établissement.
Dans celle-ci, dont le contenu a été dévoilé en exclusivité dans les pages de l’Acadie Nouvelle, les directeurs dénoncent un environnement de travail qu’ils qualifient de malsain. À la lecture du document, nous comprenons qu’à leurs yeux, la source du problème est Liane Roy. «Les cas d’inconduite et d’inefficacité graves impliquant notre PDG ont créé, au fil des ans, un environnement toxique», expliquent-ils.
Il est délicat de se prononcer de l’extérieur sur un conflit dans lequel nous ne connaissons pas tous les tenants et aboutissants.
S’agit-il ici d’un conflit de personnalités qui n’a rien à avoir avec la qualité du travail de Mme Roy? Est-ce un cas où une dirigeante tente de forcer ses subalternes à abandonner des pantoufles confortables au profit d’une nouvelle façon de faire les choses qui ne fait pas leur affaire? Ou est-elle une intimidatrice, comme le laissent entendre les six signataires?
Nous n’avons que la lettre de dénonciation pour nous forger une opinion. Mme Roy a refusé de réagir publiquement aux allégations, alors que le président du conseil des gouverneurs, Jean-Jacques Roy, nous a expliqué que ce dossier touche aux ressources humaines et qu’il est donc confidentiel.
Des éléments nous permettent cependant de croire qu’il existe de réels problèmes.
D’abord, d’anciens employés du collège ont confirmé à l’Acadie Nouvelle avoir constaté une détérioration du climat de travail dans la boîte et ont admis se réjouir de voir «enfin» quelqu’un sonner l’alarme.
Et puis, il faut bien le dire, la liste des signataires apporte beaucoup de crédibilité à la démarche. Nous ne parlons pas d’une association étudiante à la veille de déclencher une grève ou un syndicat qui met de la pression sur l’employeur dans le cadre d’un renouvellement de convention collective qui piétine.
Nous avons ici des directeurs de tous les collèges. Il y a des hommes et des femmes. Des personnalités fortes et d’autres plus discrètes. Des dirigeants du Nord comme du Sud, à la tête des plus petits établissements comme des plus populeux. Des gens sérieux qui n’ont rien à gagner à nuire à la réputation de leur employeur.
Et pourtant, Paolo Fongemie (Bathurst), Suzanne Beaudoin (Campbellton), Pauline Duguay (Dieppe), François Boutot (Edmundston), Alain Boisvert (Péninsule acadienne) et Chantal Berthelotte (réussite étudiante) ont tous signé cette lettre dans laquelle on retrouve des accusations très graves.
Ils dénoncent des abus de pouvoir, de l’intimidation et se disent victimes de diffamation. Ces gens, qui en ont pourtant vu d’autres, affirment avoir été victimes ou été témoins des excès de colère de la PDG et de comportements inappropriés. Des tentatives passées pour trouver des solutions ont plutôt eu comme conséquences, selon eux, des lettres de menaces et de congédiement.
Si la situation est aussi insoutenable que l’énoncent les plaignants, non seulement estil temps de changer de PDG mais il faut aussi s’interroger sur le conseil des gouverneurs qui a ignoré par le passé les signaux qui laissaient entrevoir l’ampleur du problème.
Placé devant une crise qu’il ne peut désormais ignorer, le conseil a fait l’erreur de proposer une réponse trop molle. Il a embauché une avocate afin qu’elle effectue une enquête indépendante. L’ennui, c’est que les signataires ont déjà perdu confiance en elle. Ils affirment que son mandat est trop restreint. Elle aurait entre autres expliqué que le climat de travail au CCNB, pourtant au coeur de la crise, ne fait pas partie de son mandat.
Les six directeurs ont ainsi réagi en signant une deuxième lettre, dans laquelle ils déplorent l’action des gouverneurs et refusent de participer dans ces conditions à l’enquête.
Si le conseil souhaitait avec sa stratégie gagner du temps en mettant le couvercle sur le feu, c’est raté. Les directeurs n’accepteront pas des actions cosmétiques.
Nous ne pouvons prendre cette crise à la légère. Le CCNB est trop important pour le laisser à la dérive. Ses gouverneurs ont le devoir d’aller au fond des choses.
Des changements concrets doivent être mis en place. Cela peut-il se faire avec la PDG actuelle? Nous ne pouvons pas répondre à cette question.
Mais si le conseil des gouverneurs choisit cette voie, il aura le fardeau de démontrer qu’il est possible de rectifier ce qui est devenu une situation explosive avec celle qui est au coeur de la tempête. Il devra faire beaucoup mieux que ça pour relever ce difficile défi.