La pêche au crabe perd sa certification de pêche «durable»
Un organisme international suspend la certification de pêche durable de l’industrie du crabe des neiges du golfe du Saint-Laurent pour la saison 2018, en raison du nombre élevé de décès des baleines noires de l’Atlantique Nord en 2017.
Le Marine Stewardship Council (MSC) demande aux crabiers de prouver que leurs nouvelles mesures de protection de la baleine noire sont suffisantes pour protéger l’espèce menacée d’extinction.
Mardi, la firme d’audit SAI Global a publié un rapport de 87 pages produit à la suite d’une enquête effectuée pour le compte du MSC. L’enquête a été déclenchée en novembre, en raison du décès de 17 baleines noires au large de la côte est du Canada et des États-Unis, dont 12 dans le golfe du Saint-Laurent.
La nécropsie de sept baleines a permis de conclure qu’au moins deux d’entre elles sont mortes en raison d’enchevêtrement avec des engins des crabiers. Cinq autres baleines enchevêtrées ont été observées dans le golfe l’été dernier, dont quatre avec des câbles servant à la pêche de crabe.
Bien que SAI Global reconnaisse que l’industrie et le ministère des Pêches et des Océans (MPO) prennent des mesures afin de régler la situation, elle veut des preuves concrètes de leur efficacité avant de rétablir la certification.
«…jusqu’à ce que le risque d’enchevêtrement de baleines soit diminué et qu’il soit démontré qu’il est efficace, la pêche n’obtient pas une note de passage sur quelques indicateurs de performance.»
L’industrie du crabe des neiges doit présenter un plan de redressement à SAI Global d’ici 90 jours.
En attendant que la certification soit renouvelée, le crabe des neiges pêché dans le golfe du Saint-Laurent ne peut pas être vendu avec le label bleu du MSC, symbole des «pêcheries qui veillent à maintenir la bonne santé et la productivité des stocks de poissons et des écosystèmes associés pour le futur».
Marc Guignard, directeur général de Pêcherie Belle Ile, a appris il y a un certain temps que la mort des baleines pourrait causer suspension de la certification. Il avait informé certains clients de cette possibilité.
Mardi matin, quand la nouvelle a été confirmée, il l’a communiqué à tous ses clients. Étant donné leur réaction, il ne croit pas qu’elle ait un impact important sur la saison 2018.
«Si tout va bien, la saison devrait être à peu près la même, qu’on ait la certification ou qu’on ne l’ait pas», affirme celui qui dirige l’une des plus importantes usines de transformation de crabe des neiges de la province.
M. Guignard mentionne que ses clients japonais, qui achètent 25% à 30% des crabes des neiges qu’il exporte, n’accordent pas tellement d’importance à la question de la conservation des baleines. Quant au reste de ses clients sur le marché américain, «certains clients accordent beaucoup de poids à cet aspect-là», alors que d’autres «disent que ce n’est pas quelque chose qui va causer des problèmes».
Cela dit, «il n’y a aucun de mes clients qui disent qu’ils n’achèteront pas de crabe des neiges pour la prochaine saison.»
«C’est assez dur de dire si ça aura un effet sur les prix à ce stade ici, parce que les prix ne sont pas encore fixés pour la prochaine saison. J’imagine qu’on le saura dans les prochaines semaines. Mais il y a quand même une certaine rareté du crabe sur les marchés.»
M. Guignard souligne que la décision est une suspension, et non pas un retrait définitif. Si les crabiers réussissent à traverser la saison 2018 sans causer le décès d’une baleine noire, la certification pourrait être rétablie peu après.
«Tout le monde prend la situation des baleines très au sérieux», assure-t-il.
Il rappelle aussi que des facteurs exceptionnels en 2017 ont probablement mené au nombre élevé de baleines mortes. Le quota était le plus élevé de l’histoire, ce qui a fait en sorte que les pêcheurs ont laissé leurs casiers à l’eau plus longtemps que la normale. De plus, le ministère des Pêches et des Océans avait autorisé l’utilisation d’un nombre plus élevé de casiers de pêche.
Le ministère des Pêches et des Océans travaillera avec l’industrie afin de rétablir la certification MSC. Dans une déclaration émise mardi après-midi, le ministre Dominic LeBlanc assure que le ministère prendra des mesures pertinentes pour «protéger la baleine noire en 2018 et au cours des années à venir».
«La décision prise aujourd’hui par le Marine Stewardship Council… nous rappelle vivement que toutes les parties concernées doivent travailler ensemble pour protéger la baleine noire de l’Atlantique Nord.»
«Les efforts de conservation et l’activité économique ne sont pas des intérêts concurrents, bien qu’ils soient souvent perçus comme tels.»
M. LeBlanc rappelle que le ministère a annoncé des mesures de conservation, le 23 janvier, et que d’autres annonces sur la protection auront lieu dans les semaines à venir. De plus, le ministère travaille afin d’officialiser un protocole de désempêtrement afin de lever l’interdiction temporaire mise en vigueur l’an dernier.