UN SYSTÈME QUI AVANTAGE LES PLUS GROS
Les propriétaires de lots boisés privés du N.-B. se disent désavantagés face aux grandes entreprises forestières. Selon eux, le système actuel ne leur permet pas d’obtenir une juste valeur marchande pour leur bois.
Dans la province, 51% des forêts sont sur les terres de la Couronne et 18% sont la propriété directe de grandes compagnies.
Quatre multinationales détiennent des permis pour gérer les 3,4 millions d’hectares de forêts publiques et acheter le bois de la Couronne: JD Irving, Fornebu Lumber, Twin Rivers Paper et AV Group.
Quelque 29% des forêts représentent des boisés privés, partagés entre 42 000 petits propriétaires. Votée en 1982, la Loi sur les terres et forêts de la Couronne exigeait que le bois provenant de ces propriétaires de lots privés soit la source primaire d’approvisionnement. Autrement dit, les moulins n’avaient accès au bois des terres de la Couronne que comme source secondaire.
Cependant, ce système a été modifié en 1992 pour faire des terres publiques le fournisseur d’un volume garanti alors que les boisés privés sont devenus une «source d’approvisionnement proportionnel».
PRIX À LA BAISSE
En 2014, le gouvernement Alward a porté un nouveau coup aux petits propriétaires en autorisant une augmentation de 21% des allocations de coupes sur les terres de la Couronne. L’industrie forestière a alors pu récolter 660 000 mètres cubes de bois supplémentaires par année dans les forêts publiques.
Michel Soucy, professeur d’économie forestière à l’Université de Moncton, constate que cette stratégie a poussé le prix de la ressource à la baisse.
«Si le gouvernement met en vente de grands volumes de bois des terres publiques, les usines ont moins besoin des boisés privés pour fonctionner et peuvent offrir un prix moins élevé», explique-t-il.
«La prépondérance du bois des terres de la Couronne crée un accès inégal au marché au N.-B. plutôt qu’un marché libre, écrivait déjà le professeur en 2014 dans la revue Naturaliste du N.-B. Lorsque la demande est faible, comme durant la récente crise forestière, les prix pour le bois des boisés privés descendent plus rapidement et à des niveaux plus bas que ce à quoi l’on s’attend dans un marché libre.»
Le président de la Fédération des propriétaires de lots boisés du N.-B., Rick Doucett, estime que les cadeaux faits à l’industrie ont fragilisé la position des petits propriétaires.
«Le problème, c’est qu’en allouant autant de bois des forêts publiques, il devient difficile de négocier un prix juste pour les propriétaires de lots boisés privés», avance-t-il.
Résultat, les prix sont aujourd’hui sensiblement au même niveau que dans les années 1990.
«Je n’ai pas investi depuis plusieurs années pour la construction de routes, l’achat de nouveaux équipements ou de nouvelles terres, déplore M. Doucett. Des centaines d’emplois ont été perdus à cause de cette pression pour des prix bas. Les gens fuient le secteur.»