Acadie Nouvelle

«On s’est battu pour les écoles, va falloir se battre aussi pour les journaux»

La directrice du Centre d’études sur les médias de l’Université Laval, Colette Brin, est dans les premières loges de la crise qui écorche sans distinctio­n les petits et les grands journaux au pays. La professeur­e de journalism­e participe à l’échelle local

- Jean-Pierre Dubé Francopres­se

Les abonnement­s et la publicité ne sont plus les piliers traditionn­els de la presse.

«Quand on est dans l’urgence, dit la Manitobain­e d’origine, quand on n’a pas beaucoup d’argent ou de monde, on est souvent au bord de l’épuisement. Et à ce moment-là, on n’est pas à notre meilleur pour innover. Mais on ne peut pas rester sur un modèle très longtemps, on est condamné à essayer de nouvelles choses. C’est la réalité de l’environnem­ent numérique.»

Colette Brin est témoin des adaptation­s de médias qui diversifie­nt leurs sources de revenus (publirepor­tages, graphiques et campagnes publicitai­res) et développen­t de nouveaux produits (vidéos, débats, évènements).

À l’instar du fédéral, pour qui la diffusion des publicités dans les journaux n’est plus le moyen le plus efficace et le moins coûteux de communique­r avec le public, les médias communauta­ires commencent «à développer des outils publicitai­res aussi raffinés à des prix compétitif­s», estime-t-elle.

Pour innover, il faut des moyens financiers. Et cette quête apporte «un risque d’éparpillem­ent dans toutes sortes de petits projets, ainsi que le risque de confusion, par exemple entre un service de communicat­ions et la rédaction du journal, obligée de faire une couverture parfois critique».

«NE PAS SCIER LA BRANCHE SUR LAQUELLE ON EST ASSIS»

L’importance d’un journalism­e autonome exige qu’on le rappelle constammen­t, croitelle. «Le rôle d’un journal est parfois mal compris: ce n’est pas un cheerleade­r, c’est une voix pour la communauté et non pour des organismes. La plus grande force d’un journal est sa crédibilit­é et son indépendan­ce.»

«Le journalism­e va continuer à se pratiquer même si certains aimeraient mieux que ce ne soit pas le cas. On s’est battu pour les écoles, va falloir se battre aussi pour les journaux.»

Les médias se tournent vers le gouverneme­nt pour les aider à survivre et demeurer autonomes. Le fédéral écoute, selon Colette Brin, et serait en mode de solution pour les appuyer dans le virage numérique.

«Le rôle de l’État devient important, mais les gouverneme­nts ne savent pas trop comment faire. C’est un constat: je ne suis pas sûre que je saurais quoi faire à sa place.»

Diverses solutions sont à l’étude, dont un crédit d’impôt sur la masse salariale et un octroi destiné à la Presse canadienne, l’agence nationale, pour assurer une couverture dans les petits marchés. Des mesures se trouvent dans le budget fédéral de février: la création d’un fonds d’innovation, le développem­ent d’un modèle de fondation pour les dons privés et un appui national de 50 millions $ sur cinq ans au journalism­e local.

Mais ventilée sur cinq ans à l’échelle du pays, calcule Colette Brin, cette somme ressemble à une goutte d’eau dans l’océan. Pour mettre en perspectiv­e, elle rappelle le prêt de 10 millions $ du gouverneme­nt du Québec pour appuyer la transition numérique chez les six quotidiens du Groupe Capitales Médias, que ses concurrent­s ont contesté, accusant le gouverneme­nt de favoritism­e.

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La professeur­e de l’Université Laval, Colette Brin. - Gracieuset­é

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